Renee Knight, La Confidente

Une confron­ta­tion ten­due et sans mercis…

Après avoir été secré­taire pen­dant vingt ans, Chris­tine But­cher s’est réfu­giée aux Lau­riers. À quarante-trois ans, trop jeune pour prendre sa retraite, elle veut mettre de l’ordre dans son passé avant de réflé­chir à la pro­chaine étape.
Elle se sou­vient avoir été recru­tée comme inté­ri­maire pour le siège social des super­mar­chés Apple­ton. C’est quelques mois après qu’elle ren­contre Mila, la fille du pro­prié­taire. Chris­tine va l’aider dans sa recherche offi­cieuse de docu­ments comp­tables et, pour la pre­mière fois, faire en sorte d’effacer son pas­sage.
Mila voit alors, en elle, la col­la­bo­ra­trice dont elle a besoin, loyale, dis­crète… Chris­tine va s’investir tota­le­ment dans son nou­vel emploi, négli­geant Ange­lica, sa fille de quatre ans, et Mike, son mari. Celui-ci finit par deman­der le divorce, sa fille va s’éloigner d’elle sans qu’elle en soit par­ti­cu­liè­re­ment affec­tée. Elle est la plus proche assis­tante d’une Mina Apple­ton très ambi­tieuse qui a évincé son père de la direc­tion de la société.
Pour elle, elle va men­tir, se par­ju­rer dans un pro­cès pour la défendre. Mais, un pro­cès n’est jamais sans consé­quences et quand Chris­tine va prendre conscience qu’elle va être…

D’entrée de jeu l’héroïne cite : “La secré­taire est la per­sonne le plus dan­ge­reuse de la pièce.” en se réfé­rant à Une femme tour­men­tée, un roman noir à l’ancienne qu’elle appré­cie par­ti­cu­liè­re­ment.
La roman­cière s’attache à dépeindre la fas­ci­na­tion qu’exerce le monde où évo­luent ceux qui sont nés au bon moment, qui pos­sèdent un cer­tain pou­voir de déci­sion, jouissent d’une for­tune qui leur per­met de satis­faire leurs caprices, béné­fi­cient d’une vie qui semble facile.
Elle décrit, avec maes­tria, les liens qui peuvent se tis­ser entre deux per­sonnes appar­te­nant à des classes sociales fort dif­fé­rentes, des liens malé­fiques, dan­ge­reux. Ils se nouent sans que la dépen­dance qu’elle engendre soit pesante. C’est un rap­port qui, d’un côté est fait d’admiration, voire d’envie, de l’autre, du goût de la domi­na­tion, du besoin d’être entouré, d’avoir tou­jours quelqu’un à ses ordres. Ces rela­tions sont tout sauf affec­tives, ami­cales, juste un dés­équi­libre où, cepen­dant cha­cun trouve son compte. S’ajoute la fierté d’être, comme dans le roman, l’assistante de quelqu’un d’important, de quelqu’un qui est dans la lumière des pro­jec­teurs, des médias. C’est une célé­brité dont on connaît et par­tage l’intimité. Jusqu’où cer­taines per­sonnes sont-elles capables d’aller pour cela ?

L’intrigue confronte éga­le­ment deux géné­ra­tions d’entrepreneurs. Si la pre­mière fait preuve d’une proxi­mité avec ses par­te­naires, allant par­fois jusqu’au pater­na­lisme, la seconde se com­porte comme la pire espèce de pré­da­teurs.
Renee Knight décrit avec sus­pense un pro­cès, les audiences, mais aussi la pré­pa­ra­tion des accu­sés, des témoins, les arran­ge­ments répé­tés avec la vérité. C’est gla­çant et le lec­teur ne peut s’empêcher de trou­ver, dans cer­taines affaires jugées récem­ment, une appli­ca­tion de ce qu’il peut lire.

Au fil des pages la ten­sion se fait de plus en plus pal­pable, les confron­ta­tions se mul­ti­plient, les ran­cunes affleurent jusqu’à une chute machia­vé­lique, pen­sée avec brio, ame­née de belle manière en sous-tendant une cer­taine morale.
Avec La Confi­dente, la roman­cière pro­pose un brillant sus­pense psy­cho­lo­gique servi par d’excellents dialogues.

serge per­raud

Renee Knight, La Confi­dente (The Secre­tary), tra­duit de l’anglais par Séve­rine Que­let, Fleuve noir, coll. “Roman poli­cier & thril­ler”, août 2020, 400 p. – 20,50 €.

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