Sébastien Didier, Les yeux bleus

Brillant !

L’action se déve­loppe sui­vant trois par­cours dont on subo­dore qu’ils sont liés d’une façon ou d’une autre et vont se rejoindre. Et Sébas­tien Didier réus­sit l’exploit de livrer le point com­mun dans les tous der­niers para­graphes, géné­rant un sus­pense nourri d’une suc­ces­sion de coups de théâtre, rebon­dis­se­ments orches­trés avec brio.

Dans un pro­logue qui se déroule en 1986, Patrick Armand rentre chez lui à La Colle-sur-Loup. Il est furieux de ce qu’il a appris. Des éclats de voix éclatent et des coups de feu…
En 2018, Anthony Del­court joue avec Maxime, son fils de quatre ans. Aper­ce­vant Estelle, son épouse, dans la mai­son, il rentre lais­sant son gar­çon tout près, avec ses jouets. Il veut avoir une dis­cus­sion avec elle après la dis­pute de la veille. Une de plus ! Mais, elle s’échappe au pré­texte qu’elle a du tra­vail. Il retourne à l’endroit où son fils jouait. Il ne le trouve pas. Les appels, les recherches res­tent vaines. Max a été enlevé…
Estelle, effon­drée, appelle son père, Claude Cerutti, un homme d’affaires, figure impor­tante de Nice, à la répu­ta­tion sul­fu­reuse. Celui-ci com­prend vite qu’à tra­vers cet enlè­ve­ment, c’est lui qui est visé.
La police enquête et découvre un sou­lier de l’enfant dans le véhi­cule de Lise, la sœur d’Estelle. Celle-ci finit par avouer qu’elle déteste sa sœur parce qu’elle lui a tout volé depuis l’accident. Mais elle n’avoue pas l’enlèvement. Par contre, Fabrice, son com­pa­gnon, un gale­riste qui offi­cie entre la Suisse et la Côte d’azur, est cri­blé de dettes.
Depuis trois ans, un gen­darme à la retraite, pour le compte d’une asso­cia­tion d’aide aux familles de vic­times, a repris l’enquête sur le qua­druple assas­si­nat sau­vage de la famille Armand, il y a presque trente ans.

L’essen­tiel du récit passe par Anthony Del­court qui assure le rôle de nar­ra­teur entouré d’une gale­rie de per­son­nages fort bien cam­pées, aux pro­fils psy­cho­lo­giques pré­cis, aux carac­tères fine­ment étu­diés mais qui, tous, pré­sentent des failles. Le lec­teur suit, éga­le­ment, les pas de Jacques Bel­le­ville, cet ancien gen­darme qui traque les motifs qui ont conduit aux meurtres des Armand, le père, son épouse et les jumeaux. Il s’attache à cer­ner les cir­cons­tances du drame et sur­tout les rai­sons qui n’ont pas per­mis de résoudre l’affaire à l’époque.
Une autre figure émerge de cet ensemble de pro­ta­go­nistes en la per­sonne de Claude Cerutti, cet affai­riste qui impose sa vision, qui fait mener sa propre enquête avec des indi­vi­dus aux méthodes moins légales que celles de la Police natio­nale. Autour de lui, les membres d’une famille aux attentes diver­gentes, mais inféo­dés aux volon­tés du maître.

Quant au prin­ci­pal nar­ra­teur, il n’est pas dans une situa­tion glo­rieuse. Ancien jour­na­liste, il a écrit un roman il y a quelques années qui a eu un cer­tain suc­cès. Depuis deux ans, il refuse de tra­vailler pour son beau-père au pré­texte qu’il écrit un livre qui, pour l’heure, semble bien en panne.
Le roman­cier détaille ces milieux d’affaires, ces cercles où se bâtissent, avec des pra­tiques dou­teuses, des for­tunes où des tra­hi­sons amènent des faillites.

Multi­pliant à l’envi les révé­la­tions, les revi­re­ments, les péri­pé­ties les plus inat­ten­dues, Sébas­tien Didier signe un thril­ler addic­tif avec une intrigue de haute tenue, sachant faire croître une pres­sion jusqu’à un sur­pre­nant final.

serge per­raud

Sébas­tien Didier, Les yeux bleus, Hugo Poche, coll. “Sus­pense”, juillet 2020, 560 p. — 8,50 €.

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Filed under Pôle noir / Thriller

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