Charlotte de Belgique a 17 ans quand elle épouse Maximilien d’Autriche, le cadet des Habsbourg dont la famille souhaite se débarrasser.
Après avoir été gouverneur de la Lombardie-Vénétie, il est nommé, sous l’impulsion de napoléon III, empereur du Mexique.
Le second tome débute quand le couple, et sa suite, débarque à Veracruz et arrive sur leurs nouvelles terres. Maximilien a le sentiment de découvrir un immonde cloaque. Il refuse le banquet de bienvenue craignant l’épidémie de fièvre jaune qui sévit. Le voyage vers Mexico est ponctué de rencontres insolites, d’incidents divers et variés. Ils découvrent un accueil bien différent de celui dicté par l’étiquette des cours européennes : des poignées de main, des accolades, des foules qui témoignent d’un bel enthousiasme.
Charlotte, cependant, est confrontée à la triste réalité difficile en visitant un hôpital où meurent des soldats atteints du typhus mais dont certains ont violé femmes et jeunes filles locales.
Alors que Charlotte presse son mari de la conquérir, celui-ci rêve de maîtriser le Mexique. Exposant un programme très libéral, très social, il se met à dos le clergé, la presse, les conservateurs et l’armée. Cependant, il n’est pas fait pour être empereur.
Il disparaît pendant des mois de Mexico laissant Charlotte gouverner. Elle préside le conseil des ministres et donne, au nom de son mari, des audiences publiques. Elle est seule pour gérer des situations de crise…
La Grande Histoire a surtout retenu les hommes qui ont vécu cette expédition, de Maximilien à Bazaine. Mais elle reste discrète, voire pudique sur les femmes qui ont été entraînées dans cette campagne, dans cette folie de conquête pour satisfaire l’égo de quelques princes. Aussi Fabien Nury fait découvrir l’étrange destin de l’unique fille de Léopold Ier, roi des Belges, son rôle politique dans cette seconde moitié du XIXe siècle au Mexique. Il dévoile la situation difficile dans laquelle se trouve le couple, et par extension, tous les éléments étrangers au Mexique.
C’est une poignée de nantis, pour défendre leurs privilèges, qui a su convaincre Napoléon III de mettre sur pied cette opération. Mais le peuple est du côté de Benito Juarez qui mène une guérilla pour plus de libertés, de justice tant pénale que sociale. La situation est d’autant plus critique que Maximilien se met très vite à dos les piliers possibles de son régime. L’Église romaine montre une fois encore son beau visage de charité chrétienne en menaçant, face à une liberté des cultes, d’arrêter de dispenser les sacrements, de prononcer des excommunications…
Charlotte voudrait que son mari soit plus attentionné à son égard. Or, celui-ci se complaît en compagnie d’un fieffé voyou dans des lieux de débauche où il séjourne de très longues journées, voire des semaines, laissant le pouvoir aux mains de son épouse.
Avec Charlotte, cette jeune femme jetée dans un univers délétère, Fabien Nury dresse un magnifique portrait d’héroïne, une femme qui tente de faire face, avec l’aide d’un conseiller placé près d’elle par son père, d’agir, de vouloir maîtriser une situation explosive et de laisser ses sentiments, ses désirs d’amour en panne.
Le dessin aux traits puissants de Matthieu Bonhomme, les couleurs de Delphine Chedru donnent une vie particulière à ce récit. C’est un travail remarquable sur la mise en page, sur la mise en scène où chaque vignette est créée en fonction d’un tout cohérent. Le dessinateur excelle à mettre les émotions, les sentiments sur les visages, à les faire exprimer par la gestuelle. Il privilégie les yeux, le regard donnant à Charlotte, cette femme-enfant à qui on confie des responsabilités énormes, un coté juvénile ou impérial, selon les cas.
Ce second tome est enthousiasmant tant par la richesse du scénario que par un graphisme qui frise l’excellence.
lire un extrait
serge perraud
Fabien Nury (scénario), Matthieu Bonhomme (dessin) & Delphine Chedru (couleur), Charlotte Impératrice – t.02 : L’Empire, Dargaud, juin 2020, 76 p. – 16,50 €.