R. J. Ellory, Le Jour où Kennedy n’est pas mort

Uchro­nie pour un polar

Dallas, 22 novembre 1963. Le cor­tège pré­si­den­tiel tra­verse Dea­ley Plaza. Le monde entier connaît la suite, l’image sai­sis­sante de JFK qui s’effondre sous les balles.
Mais comme l’indique le titre du der­nier opus en date de l’un des maîtres recon­nus du roman noir amé­ri­cain, R. J. Ellory a décidé qu’il n’en irait pas ainsi dans son roman.

Kennedy ne meurt donc pas ce jour-là, pour­tant un mys­tère plane autour de cette jour­née, des semaines qui l’ont pré­cé­dée et des mois qui suivent. Le clan Ken­nedy, tou­jours aux manettes, s’efforce de camou­fler les addic­tions d’un chef de l’État contesté (sexe et médi­ca­ments tous des­ti­nés à sou­la­ger divers maux).
Tou­te­fois, le roman n’est pas seule­ment une réécri­ture de l’Histoire amé­ri­caine, puisqu’il y a bel et bien un mort et une enquête.

La morte, c’est Jean Boyd, jour­na­liste fou­gueuse et sans doute trop curieuse ; et l’enquêteur, Mitch New­man, son fiancé quinze ans plus tôt et qui l’a quit­tée dans l’espoir de deve­nir Frank Cappa pen­dant la Guerre de Corée. Une guerre qui l’a brisé et dont il revient tou­jours ano­nyme mais sur­tout bour­relé de remords.
Et voilà qu’on lui apprend que celle dont il a com­pris trop tard qu’elle était l’amour de sa vie s’est sui­ci­dée. Pas plus que la mère de la défunte ou que les gens qu’elle a côtoyés ou croi­sés, il ne par­vient à croire qu’elle ait mis fin à ses jours. Com­mence une (en)quête où Mitch tente de remon­ter le temps et l’histoire.

Roman noir, certes, mais ponc­tué de réflexions du per­son­nage sur lui-même, son che­mi­ne­ment, ses erreurs, ses errances, ses inter­ro­ga­tions ; le livre est truffé de pas­sages où le pho­to­graphe raté-enquêteur pous­sif, sou­vent aidé par l’alcool et poussé par la nos­tal­gie, se ques­tionne en lon­gueur : sur les pour­quoi, les com­ment de ce soi-disant sui­cide, les tenants et les abou­tis­sants, les inté­rêts des per­son­nages qu’il ren­contre (réels et fic­tifs), mais aussi sa propre évo­lu­tion, ses choix, son appa­rente inap­ti­tude à la vie.

Sans aller jusqu’au ras le bol, disons que le lec­teur en aura jusqu’à plus soif. Hor­mis ces effets répé­ti­tifs qui n’ajoutent pas grand-chose au déroulé du roman et quelques pas­sages où la tra­duc­tion semble si ce n’est fau­tive, du moins cal­quée sur la langue ori­gi­nale et donc peu fluide en fran­çais, le roman se lit plu­tôt bien.
Le fait qu’il soit ancré dans la grande His­toire et qu’Ellory ait l’habileté de mêler la fic­tion à la réa­lité n’y est pas pour rien. Car cet épi­sode reste l’un des moments les plus sidé­rants de l’histoire américaine.

D’ailleurs, si l’auteur épargne Jack le 22 novembre 1963, rien ne dit que le pré­sident s’en sorte indemne pour autant.

agathe de lastyns

R. J. Ellory, Le Jour où Ken­nedy n’est pas mort, Sona­tine, juin 2020, 368 p. – 22,00 €.

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Filed under On jette !, Pôle noir / Thriller

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