Jennifer Miller & Jason Feifer, Mr Nice Guy

Jusqu’où une cer­taine presse peut-elle aller ?

Avec ces échanges, par le biais de chro­niques, entre une femme et un homme, les roman­ciers dépeignent les milieux jour­na­lis­tiques de New York et tous les à-côtés des métiers de la presse. Ils détaillent la vie d’un jour­nal et le monde des jour­na­listes, depuis celui du direc­teur de la rédac­tion, jusqu’au grouillot obs­cur qui véri­fie les faits énon­cés dans les articles, le bas de l’échelle. 
C’est aussi la vie mon­daine, les invi­ta­tions, les mani­fes­ta­tions où se retrouvent des strates inter­lopes, une faune qui se targue de culture mais qui navigue plu­tôt dans une sous-culture, ne sachant quoi inven­ter pour se dis­tin­guer du lot. On res­sent le côté super­fi­ciel des rela­tions, on suit la dif­fi­cile ascen­sion pro­fes­sion­nelle des hommes et celle encore plus dif­fi­cile des femmes.

Lucas Cal­la­han est fact-checkeur au maga­zine Empire. Il a quitté sa ville du Sud, rompu avec sa fian­cée, aban­donné le bar­reau pour venir à New York réa­li­ser son rêve. Tant pis s’il habite dans un cube sur­chauffé et gagne un salaire de misère. Il est là depuis un mois et tou­jours fas­ciné d’avoir atteint son but. Il croit en son ascen­sion pro­fes­sion­nelle d’autant qu’il a été reçu, tout récem­ment, par Jiji, Jay Jacob­son, le Direc­teur de la rédac­tion.
Bien que celui-ci sème la ter­reur parmi son per­son­nel, il a reçu Lucas et l’a féli­cité lui disant qu’il voyait en lui un jeune homme pas­sionné et investi, qu’il avait du poten­tiel pour accom­plir de grandes choses à l’Empire.

Céli­ba­taire, Lucas passe ses soi­rées dans des bars. Il remarque une belle femme brune qui écrit sur une ser­viette en papier. Se fai­sant vio­lence, il ose l’aborder en lui pro­po­sant une page du car­net qu’il a tou­jours avec lui. Celle-ci engage la conver­sa­tion, se pré­sente comme Car­men. Ils finissent la nuit chez elle. Au matin, il part dis­crè­te­ment pen­dant qu’elle dort encore.
C’est quelques jours plus tard qu’il découvre, dans l’Empire, la rubrique L’Hédoniste raf­fi­née. Cette chro­nique, consa­crée au sexe, est tenue par Car­men Kelly. Elle expose la nuit déce­vante qu’elle a passé avec Mr Nice Guy (M. Gen­til). Lucas se recon­naît dans le por­trait. Il rédige une réponse que le jour­nal accepte de publier, voyant là une belle oppor­tu­nité pour une suite de rubriques pimentées…

Si le liber­ti­nage est la base même du récit, les auteurs racontent les rap­ports au sexe entre femme et homme, les rela­tions qui se nouent autour de l’accouplement, ce qui se passe pour l’un et l’autre : beau­coup de sen­sa­tions, de sen­ti­ments ou l’absence d’émotions. Atten­tion, ce n’est pas un roman où se suc­cèdent les scènes éro­tiques tor­rides même si les quelques évo­quées sont gri­voises.
Et l’on suit avec inté­rêt les dif­fé­rents rebon­dis­se­ments, le résul­tat des ren­contres, les liens divers que les deux héros cultivent, nouent, pour arri­ver à ce moment évo­qué par Lucas dès les pre­mières pages : “Des mois plus tard, quand il pas­se­rait au crible les ruines de sa car­rière, essayant de loca­li­ser la bombe qui l’avait fait implo­ser…

Servi par une gale­rie de per­son­nages sin­gu­liers, ce récit se suit avec inté­rêt pour la qua­lité de son intrigue, pour les por­traits fouillés des pro­ta­go­nistes, pour la pein­ture d’un milieu inexorable.

serge per­raud

Jen­ni­fer Mil­ler & Jason Fei­fer, Mr Nice Guy (Mr. Nice Guy), tra­duit de l’anglais (États-Unis) par Eva Mon­teil­het, cherche midi, coll. “Lit­té­ra­ture étran­gère”, juin 2020, 480 p. — 23,00 €.

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