Quand la communication est si difficile
Livia n’a pas eu la cérémonie de mariage dont elle rêvait car ses parents l’ont rejetée lorsqu’ils ont su qu’elle était enceinte des œuvres d’Adam. Aussi, elle s’est promis une fastueuse soirée d’anniversaire pour ses quarante ans.
Cela fait plusieurs mois qu’elle prépare l’événement, aidée par Adam son mari. Si Josh, leur aîné âgé de vingt-deux ans, sera présent, Marnie, leur fille de dix-neuf ans, poursuit des études à Hong-Kong et ne peut revenir. Cependant, avec la complicité d’Adam, elle a organisé son retour et fera la surprise à sa mère.
Si les rapports entre Adam et son fils ont toujours été difficiles, ceux qu’il entretient avec sa fille sont fusionnels. Livia se culpabilise car elle cache quelque chose à son mari. Elle est au courant depuis plusieurs semaines mais n’a pas encore réussi à lui en parler.
Le grand jour est arrivé. Un barnum est installé dans le jardin, mais il gêne l’ouverture de la “Cabane”, l’atelier où Adam exerce son métier d’ébéniste. Il a des problèmes pour le cadeau qu’il veut faire à son épouse.
La fête commence et une information surprise tombe qui va détruire leur vie, chacun reculant au-delà des limites le moment de révéler…
Toute l’intrigue se déroule par l’alternance des récits de Livia et d’Adam. La romancière leur fait raconter leurs faits et gestes, leurs réflexions, leurs sentiments, ce qu’ils ressentent pour le conjoint, les enfants, les amis proches ou moins proches, leurs parents… Elle intègre les dialogues et les conversations qu’ils entretiennent. C’est aussi par ce biais que remontent les souvenirs, les difficultés anciennes, les tourments nouveaux, les actes manqués qui influent encore sur leur comportement.
Le lecteur apprend assez vite les raisons de la crise présente, ce qui motive le malaise, la retenue de l’un par rapport à l’autre. Et la romancière joue avec les nerfs des lecteurs retardant sans cesse, par différents moyens, le moment de révéler ce qui est si difficile à dire à l’autre.
Avec ce couple qui tarde tant à se livrer à ces révélations dévastatrices, B.A. Paris illustre à merveille les difficultés de la communication, même entre deux êtres qui vivent ensemble depuis vingt-quatre ans. Elle met en avant la volonté de ne pas faire souffrir l’autre ou d’atténuer le chagrin de celle ou de celui que l’on aile. Mais, faut-il toujours surseoir aux confidences, aux révélations ?
La romancière place cette situation à un moment bien particulier. Une fête, attendue depuis si longtemps peut-elle être gâchée par un événement dramatique qui va bouleverser l’existence du couple ? Tel est “le dilemme” auquel ils sont confrontés.
La galerie de ses personnages, conçue avec soin, présente des individus torturés, aux tensions venues de très loin, avec des non-dits qui restent à la lisière et qui ne demandent qu’à ressurgir amplifiés, grossis par une certaine rancœur.
Faut-il tout dire au nom de l’amour ? Certaines choses ne doivent-elles pas être tues pour l’apaisement, pour une meilleure sérénité ?
Ce nouveau roman de B.A. Paris, très intimiste, est prenant par la tension que la romancière sait faire croître, pour la galerie de ses personnages, pour ce couple désemparé face à un sujet destructeur au possible.
serge perraud
B.A. Paris, Le Dilemme (The Dilemma), traduit de l’anglais (Royaume-Uni) par Vincent Guilluy, Hugo, coll. “Thriller”, mai 2020, 384 p. – 19,95 €.