Un nouveau type de détective enquête sur un décès suspect : une brebis. Miss Maple, qui veut élucider la mort de George Glenn, son berger, mobilise le troupeau.
Un matin, les moutons découvrent leur berger étonnement froid et inerte, allongé près de la grange, une bêche saillant de ses entrailles. Il n’est pas mort de maladie décrète Mr Ritchfield, le doyen du troupeau : “Les bêches ne sont pas des virus.” Quelques moutons s’inquiètent pour leur avenir. Qui va leur donner du foin, les protéger des loups ?
Miss Maple, la brebis la plus intelligente de tout Glennkill, certains affirment même du monde, veut savoir de quoi il est mort. Pour Sir Ritchfield, la chose est évidente. Othello, qui a passé sa jeunesse au zoo de Dublin, affirme qu’il ne peut s’agir que d’un humain ou… d’un grand singe. Miss Maple insiste en disant que le troupeau doit trouver de qui il s’agit. Il doit bien cela à ce bon vieux George. C’était son berger et personne n’avait le droit de lui planter une bêche dans le ventre : “C’est bestial ! C’est un crime !”
Les bêtes décident d’observer les événements et Miss Maple répartit chacune sur des lieux stratégiques en fonction de leurs compétences. C’est Tom, un ivrogne qui passait par là pour rendre visite au pub du village voisin, qui donne l’alerte. Bientôt, les moutons voient survenir un groupe mené par un homme maigre, suivi d’Ham, le boucher. Arrive, hors d’haleine, Lilly la rousse qui se met à émettre des cris effrayants. Puis ce sont des policiers.
Et, sous la direction de Miss Maple, les moutons enquêtent avec les moyens dont ils disposent…
Si le thème est courant en matière de roman policier, la galerie des protagonistes qui interviennent est assez inattendue. L’intrigue se déroule en suivant la quête d’indices, les recherches menées par un troupeau de moutons. Tout est pensé, organisé en fonction des capacités de ces animaux. Les réflexions, les remarques sont liées au quotidien des ovins, dont la principale occupation est de brouter la meilleure herbe possible.
L’auteure compose une galerie de personnages et les dote des compétences adéquates. Si Miss Maple (voyez la ressemblance !), est la plus intelligente, Othello a vécu en dehors de la prairie et connaît un peu le monde des humains, Maude a du flair, Mopple la baleine a une mémoire d’enfer, Sir Ritchfield a de l’expérience, etc.
Les gestes des humains, leurs attitudes sont analysées par rapport à ce que les moutons vivent, à ce qu’ils peuvent comprendre des motivations de ceux qu’ils voient agir. Ils les observent avec attention. Si certains ont des odeurs agréables, d’autres sentent le sang, la mort comme Ham le boucher. Sa présence glace d’effroi les ovins.
Pour les éclairer, les aider ils disposent des histoires que George leur lisait, des romans avec Pamela pour héroïne. Une fois, il a lu un roman policier. Ils ont retenu que le meurtrier revient toujours sur les lieux de son crime. Mais, ils ne comprennent pas quand ils voient arriver tout un groupe de villageois.
Leonie Swann conçoit tout son récit par rapport à la psychologie, au quotidien du mouton, au niveau de la prairie où ils paissent. Les distances sont évaluées en pas de mouton, voire en pas d’agneau. Ils mettent en avant l’importance de l’odorat, chose que les humains ne possèdent pratiquement pas. La romancière décrit l’Irlande rurale, ces petits village où la religion reste omniprésente, ces lieux de convivialité que sont les pubs.
Chaque bas de page droite présente le dessin d’un joli mouton. En faisant défiler rapidement les pages, on crée une animation réussie.
Les dialogues ironiques alternent avec des situations truculentes, drôles, inventives, nourries d’images fortes et cohérentes.
On découvre avec intérêt un récit empreint de sensibilité, de poésie, qui passe au crible nombre de sentiments humains.
serge perraud
Leonie Swann, Qui a tué Glenn ? (Glennkill), traduit de l’allemand par Frédéric Weinmann, Éditions 10/18, “Domaine policier” n° 5531, mai 2020, 408 p. – 8,40 €.