Quand les légendes incitent aux meurtres…
Jean-Luc Bannalec continue d’explorer la Bretagne, guidant les pas de son héros dans les différentes contrées qui composent cette région si riche en paysages. Après un Péril en mer d’Iroise et la Côte de granit rose (Les Disparus de Trégastel – Presses de la Cité 2019) , il emmène Georges Dupin dans la forêt de Brocéliande.
Cette forêt, officiellement dénommée de Paimpont, occupe encore une surface de plus de sept mille sept cents hectares. Elle est le décor de très nombreuses légendes, en particulier une grande quantité de celles relatives au roi Arthur et à ses chevaliers de la Table ronde. On retrouve de nombreux récits, rapportés entre autres par Chrétien de Troyes, qui se déroulent dans ces lieux, avec la meilleure galerie des personnages mythiques que sont Arthur, Merlin, Viviane, Morgane, Lancelot, Yvain…
Georges Dupin et son équipe arrivent dans la forêt de Brocéliande pour une excursion touristique de deux jours. L’idée a germé lorsque le commissaire a accepté d’interroger Fabien Cadiou, une sommité en matière de légende arthurienne. La demande émanait de Jean Oudinot, son vieil ami de la police parisienne. Nolwenn, son assistante, a tout organisé. Le Ber et Labat, ses lieutenants, sont de la partie.
Mais Dupin trouve Cadiou assassiné chez lui. Il déclenche les processus, se demandant comment expliquer sa présence. Il informe Odinot qui consent à lui lâcher quelques indications supplémentaires et actionne sa hiérarchie. Alors qu’arrive le commissaire Quéméner dont c’est la juridiction, Odinot, par téléphone, informe Georges que sur ordre du ministre lui-même, il est détaché pour enquêter. Dupin proteste, il ne veut pas de cette enquête, mais cède face à l’insistance et aux arguments de son ami. Il devait interroger Cadiou sur la demande d’Odette Laurent, l’épouse de l’historien décédé en Angleterre sur un site de fouilles. Celui-ci avait rencontré son ami Cadiou là-bas. Or, Odette ne croit pas à la mort naturelle de son époux.
Dupin commence alors à converser avec Blanche, l’épouse de Cadiou, arrivée entretemps. Elle ne voit aucune raison, aucun élément à signaler relatif à des disputes, des menaces. Le Ber arrive, très agité, pour le prévenir qu’il y a un nouvel homicide. Près d’un site de fouilles, un conteur de Brocéliande, Philippe Goazou qui se fait appeler Inwynn, a découvert le corps de Paul Ricard, un historien spécialisé dans le haut Moyen Âge.
Dupin découvre alors les rivalités, et surtout le projet d’un parc d’attractions, un truc énorme. C’est Blanche Cadiou qui pilote ce projet…
Autour de cette nouvelle enquête, qui se révèle riche en rebondissements et coups de théâtre, le romancier intègre quelques constantes. Il décrit avec précision et intérêt toutes les richesses tant naturelles qu’architecturales de la zone, se révélant tout aussi complet que le meilleur Office de tourisme. La découverte de la Bretagne ne se conçoit pas sans sa gastronomie et, avec Dupin, elle est très présente. Le commissaire est amateur de bonne chère et détaille avec plaisir ce qu’il y a dans son assiette ou ce qu’il voit dans celles des autres.
Mais le romancier s’adapte aux modes et intègre le vegan avec le lieutenant Labat qui s’est converti à ce type de nourriture faisant presque du prosélytisme, sans grand succès pour l’heure.
On retrouve quelques démêlés avec le préfet Guenneugues qui veut se valoriser avec le travail du commissaire. Le romancier introduit beaucoup d’humour avec, par exemple, une guerre du beurre, faisant mesurer la gravité de la pénurie car la gastronomie bretonne sans cette matière grasse… Cette nouvelle enquête est aussi attractive que les précédentes, aussi riche en informations de toutes natures. La lecture de ces romans donne une belle envie de fouler le même sol que Dupin.
Ce n’est pas un hasard si Jean-Luc Bannalec, pseudonyme d’un écrivain allemand, a été honoré, en août 2016, du titre de mécène de Bretagne par le Conseil régional.
serge perraud
Jean-Luc Bannalec, Une enquête du commissaire Dupin — Les Secrets de Brocéliande (Bretonische Geheimnisse), traduit de l’allemand par Silke Zimmermann, Presses de la Cité, coll. “Terres de France”, mars 2020, 416 p. – 21,00 €.
Format numérique epub3 14,99 €.