Une autre approche de la Prohibition aux USA
La prohibition qui a sévi aux USA de 1920 à 1933, a donné lieu à des trafics inimaginables faisant la fortune de familles mafieuses. Cette période sert de cadre à de très nombreuses œuvres écrites ou visuelles telles la série sur la brigade d’Eliott Ness ou Fantasia chez les ploucs avec un magnifique Lino Ventura.
Thierry Cailleteau apporte sa pierre à l’édifice en proposant une approche un peu différente. Il appuie son intrigue sur les bienfaits de la distillation clandestine qui ruissellent sur la collectivité. Il prend comme décor une petite ville située au milieu de champs de maïs à perte de vue et entoure son héroïne d’une communauté qui profite de la vente de cet alcool de contrebande, une communauté représentée par ses membres les plus respectables, du curé au shérif, de l’instituteur à la restauratrice… Ils n’ont pas l’intention de renoncer au pactole.
Mais l’essentiel de l’intrigue repose sur Julie, cette jeune femme brillante, au caractère affirmée, qui n’a pas l’intention de s’en laisser conter. Son père, un grand boxeur, l’a formée à la pratique de ce sport et à l’usage des armes à feu. L’auteurplace également comme élément d’intrigue l’opposition entre des individus issus de deux nationalités différentes.
Dans l’État de Virginie, en 1922, devant la grange qui abrite sa distillerie clandestine, un homme est attaqué par un groupe aux ordres de Jack Mozza. Le meneur exige que la production soit vendue aux Italiens et non plus aux Irlandais. Face au refus musclé, il est tué et la grange est incendiée.
À l’université de Blackbay, en Virginie, le professeur Finnegan termine son dernier cours de chimie par le fonctionnement de l’alambic. Quand les étudiants quittent l’amphithéâtre, il retient Julie Doohan, sa meilleure élève, pour lui dire qu’il ne pourra pas la conduire au doctorat car il prend sa retraire. Il précise qu’il n’avait pas la vocation d’enseigner. Il possédait une distillerie qui a fait faillite à cause de la prohibition. En sortant, un ami de son père informe Julie de l’assassinat de celui-ci. Après l’enterrement, elle retrouve, dans la sacristie, les notables de la ville. Elle découvre que son père a permis, avec la production clandestine d’alcool, la réalisation de travaux d’utilité collective. Ils voudraient qu’elle reprenne la suite. Julie accepte, renégociant le pourcentage.
Ceci ne fait pas l’affaire de son cousin et de son épouse qui espéraient bien récupérer la ferme qui se trouve au milieu de leurs terres.
Et les Italiens…
Le graphisme se partage entre Luc Brahy et Simon Champelovier. Si le premier assure un dessin réaliste, équilibré, mettant l’accent sur les personnages, le second donne une colorisation adaptée que ce soit pour renforcer les actions avec des couleurs vives ou pour mettre en avant des émotions. En revanche, sur le dessin de couverture, on voit les restes d’une Traction Citroën, la célèbre voiture dont le modèle n’a été commercialisé qu’à partir de… 1934 !
Avec Spirit of bourbon, les auteurs offrent un premier tome qui retient l’attention.
serge perraud
Thierry Cailleteau (scénario), Luc Brahy (dessin) & Simon Champelovier (couleur), Julie Doohan — t.01 : Spirit of bourbon, Delcourt, coll. “Conquistador”, mars 2020, 48 p. – 14,50 €.