Une nouvelle prouesse graphique de Gess
Zamboula, à la croisée des routes des caravanes, est passée d’une simple oasis à une cité importante et riche, sous l’impulsion des Stygiens. Elle est gouvernée par le satrape Jungir Khan, lui-même sous l’empire de Nafertari, sa maîtresse.
Dans les souks, Conan a perdu son argent au jeu. Mais il avait pris la précaution de payer la location d’une chambre chez Aram Baksh. Un vieil homme le met en garde du grand danger qu’il court. Tous les étrangers à la ville qui entrent dans cette taverne, disparaissent.
Il en faut plus pour effrayer Conan. Il se couche l’épée à la main. Dans la nuit, une ombre pénètre dans sa chambre, vite occise par le guerrier. Il découvre le cadavre d’un esclave cannibale. Il part demander des explications à Aram. Pendant qu’il escalade un mur, il entend des appels au secours. Il se précipite dans la ruelle pour voir une jeune femme, entièrement nue, agressée par trois esclaves. Ils sont rapidement tués. Elle se réfugie dans les bras du barbare en expliquant qu’elle est la victime d’une machination. Elle convainc Conan de l’aider. Et l’épée du guerrier va faire merveille…
Cette nouvelle n’est pas le chef-d’œuvre de Robert E. Howard. Il s’agit d’un texte rédigé dans un esprit marchand, pour plaire au directeur de Weird Tales et être publié. Weird Tales a toujours eu une santé financière précaire. De plus, à partir de 1935, cette revue est en butte à la concurrence des spicies et des shudder pulps. Les premiers proposent des récits érotiques allant à la limite de la censure, une censure attentive dans cette Amérique puritaine et hypocrite. Les seconds publient des écrits horrifiques dans une atmosphère fantastique où l’intrigue se nourrit d’outrages tels que tortures, cultes barbares et démoniaques…, confortant les peurs occultes de l’Américain moyen.
Dans cette situation, Weird Tales adapte ses parutions essayant de toucher les lecteurs amateurs des deux genres. C’est dans cet esprit qu’Howard inscrit sa nouvelle pour laquelle il recycle nombre d’idées déjà utilisées dans d’autres textes.
Aussi, quel est l’intérêt de cet album ? C’est un récit d’aventures, pimenté de fantastique et d’orientalisme, scénarisé et mis en images par Gess. Cela donne un résultat magnifique. Pour l’intrigue, compte tenu du texte, il s’en sort avec brio. Mais, c’est la réalisation des planches qui est époustouflante par la beauté tant des personnages que des décors. S’il donne la musculature attendue à Conan, il lui confère une expressivité peu commune par rapport à ce qui se fait habituellement pour ce héros.
La jeune femme, qui apparaît dans vingt-et-une des quarante-six planches, affiche une nudité très agréable à regarder. Mais il faut s’attarder sur les autres personnages admirablement campés et sur les vues de la ville, les vues dans la ville, sur celle du temple, sur les jardins. La mise en couleurs de Gess réalise l’osmose avec l’atmosphère du récit. Ses mauves pour mettre en valeur les actions de nuit sont étonnants.
Un album qui se démarque par son intrigue particulière et pour la grande beauté des planches.
découvrir un extrait
serge perraud
Gess (Scénario d’après l’œuvre de Robert E. Howard, dessin et couleur), Conan le Cimmérien — Les Mangeurs d’hommes de Zamboula, Glénat, coll. “Conan le Cimmérien”, mars 2020, 64 p. – 14,95 €.