Zidrou & Éric Maltaite, L’Instant d’après

Allez prou­ver votre innocence !

Dans une boîte de nuit, aux USA, une jeune strip-teaseuse, res­sent une intense émo­tion pen­dant son numéro. “Il est arrivé quelque chose à Aline !
Au même ins­tant, en France, une voi­ture fonce sur un camion cou­ché en tra­vers des voies de l’autoroute. C’est l’accident.
Dans un Relai­route, Aline et Phi­lippe se dis­putent. Elle veut un enfant. Il refuse sèche­ment pour pré­ser­ver sa car­rière de musi­cienne. On retrouve ce couple dans une voi­ture. Elle lui reproche de rou­ler trop vite et lui demande une clope. Il lui tend le paquet en gar­dant les yeux sur la route. Intri­gué qu’elle ne se serve pas il regarde de côté. Aline a dis­paru… et c’est l’accident.

Phi­lippe reprend conscience dans un lit d’hôpital face aux parents d’Aline qui lui pro­mettent de le tuer si la jus­tice ne le fait pas. Blan­dine, la sœur jumelle d’Aline, reve­nue des USA, entre juste après le départ des parents. Il lui explique ce qui s’est passé : “Elle était là et puis… l’instant d’après…
Parmi les trois hommes qui coha­bitent dans une cel­lule de pri­son, celui qui est sur­nommé Hou­dini épluche régu­liè­re­ment la presse. Il tombe sur l’article consa­cré à la dis­pa­ri­tion d’Aline, une har­piste très pro­met­teuse.
Blan­dine et Phi­lippe se sont connus inti­me­ment. Il lui donne les clés de son appar­te­ment pour lui évi­ter l’hôtel. C’est là, en ren­trant, qu’elle reçoit un appel télé­pho­nique de Gil­bert Hou­dain qui affirme qu’Aline n’est pas morte, que c’est plus ter­ri­fiant que cela…
Et Blan­dine, pour en savoir plus, le ren­contre dans des condi­tions bien particulières…

Des gens dis­pa­raissent sans lais­ser aucune trace. Ils sont là, dans des situa­tions nor­males de leur quo­ti­dien, et l’instant d’après c’est le vide. L’héroïne, vou­lant savoir ce qui est arrivé à sa jumelle, va essayer de com­prendre ce qui se passe car le phé­no­mène n’est pas nou­veau, ni rare d’ailleurs. Le scé­na­riste place ses per­son­nages prin­ci­paux dans une situa­tion ubuesque tant pour Blan­dine que pour Phi­lippe qui se défend, face à la police et à la jus­tice, d’avoir tué son épouse.
C’est le cas de Gil­bert Hou­dain qui est dans une posi­tion dif­fi­cile. Mais, com­ment jus­ti­fier de son inno­cence quand cer­tains faits laissent pen­ser que la dis­pa­ri­tion de la per­sonne est une aubaine ? Certes, il n’y a pas de cadavre, pas de preuves formelles.

C’est dans les années 1970 que Zidrou ins­talle son récit, recréant l’ambiance et les don­nées de cette époque. Il faut, par exemple, se sou­ve­nir qu’à cette époque la peine de mort par guillo­ti­nage était tou­jours en vigueur. C’est seule­ment en 1981 que Robert Badin­ter a fait voter son abo­li­tion.
Ce récit approche, dans cette intrigue menée avec brio, de nom­breux sujets tels que le deuil dif­fi­cile, la recherche de la vérité, les idées fixes comme des bouées de sau­ve­tage psy­chiques dont se servent des indi­vi­dus pour ne pas som­brer dans la folie, les rap­ports dif­fi­ciles entre fille et parents, les regrets.…
Mais il fait pas­ser de l’émotion, de l’humanité quand, par exemple, Blan­dine se rap­pelle la der­nière conver­sa­tion télé­pho­nique avec sa sœur : “On ne devrait jamais rac­cro­cher sans avoir dit une parole gen­tille aux gens qu’on aime.” Il donne quelques termes d’argot oubliés depuis. Mal­gré la dureté de cer­taines situa­tions, le scé­na­riste garde son sens de l’humour, même si celui-ci se révèle très noir par moments.

Éric Mal­taite assure des­sin et cou­leurs. Il réa­lise un gra­phisme éner­gique, aux traits puis­sants colo­risé par de larges à-plats, retrou­vant des teintes assez neutres de l’époque. Il dis­pose dans ses vignettes nombre de détails depuis l’omniprésence d’affiches van­tant Le Vin fou d’Henri Maire, le jour­nal Pilote, une réfé­rence pour tous les ama­teurs de bande des­si­née. Les véhi­cules, les acces­soires fleurent bon cette époque comme l’apparition de Pierre Tcher­nia, de la Pistes aux étoiles…
Zidrou pos­sède un talent fou pour écrire des his­toires inso­lites aux res­sorts retords et d’une riche tenue. De plus, ce récit est servi par le gra­phisme vigou­reux d’un créa­teur un peu trop rare.

serge per­raud

Zidrou (scé­na­rio) & Éric Mal­taite (des­sin et cou­leurs), L’Instant d’après, Dupuis, mars 2020, 56 p. – 14,50 €.

 

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