Dans les années 1890, Joseph Laflamme est journaliste à Montréal. Il place ses articles au Canadien, un quotidien. Il partage un appartement avec Emma, sa sœur aînée. Il s’est trouvé mêlé à deux affaires difficiles, dangereuses confronté à Jack l’Eventreur (La légende de Jack, 10/18 n° 5403) et aux tueurs du Ku Klux Klan (Jeremiah, 10/18 n°5449).
La vie sentimentale de sa sœur et la sienne a viré au beau fixe. Emma va se marier avec Georges McCreary, un ex-détective de Scotland Yard. Lui fait la cour à Mary O’Gara qui a échappé à la prostitution.
Marcel Arcand, un inspecteur du Département de police de Montréal vient le chercher pour voir un charnier. C’est l’éclatement d’une conduite d’égout qui a provoqué l’effondrement de la chaussée et mis au jour des ossements. Lorsqu’ils arrivent, le docteur Hébert est à l’œuvre. Ce dernier estime qu’il y a sept à huit squelettes d’enfants, des nouveau-nés. Joseph, qui est toujours à la recherche de l’affaire sensationnelle répugne à faire un article sur cette découverte. Il pond cependant un texte circonstancié, émet quelques hypothèses et livre un papier qui est accepté.
En rentrant, il est accosté par un vieil homme portant soutane qui lui remet de force un paquet dans les mains en disant que ce n’est pas d’hier qu’on tue des enfants à Montréal. Dans le paquet, Joseph trouve un livre qui raconte les affreuses révélations de Maria Monk, d’abord novice, puis sœur noire au couvent de l’Hôtel-Dieu, un livre publié en 1836.
La lecture l’horrifie et quand, après des recherches dans les journaux de l’époque en compagnie de Georges, ils retrouvent Arcand, celui-ci leur apprend que les victimes, âgées de quelques heures à quelques jours, sont mortes au cours des deux ou trois dernières années. Un constable arrive affolé dans le bureau, un cadavre émasculé vient d’être découvert…
Avec Joseph Laflamme, un intrépide journaliste qui doit aller sur le terrain pour chercher la matière de ses articles, Hervé Gagnon propose un héros séduisant, original, riche en potentialités et en capacités. Maria permet au romancier de baser son intrigue sur le sujet douloureux des violences engendrées par des doctrines trop rigoureuses, voire contre-nature, de la religion catholique comme ce refus d’une sexualité librement consentie dans le respect des partenaires.
Avec cette culpabilisation de tout ce qui concerne l’usage du sexe, c’est la porte ouverte à tous les débordements quand le désir est trop fort. S’il évoque l’enfance orpheline de son héros et ce qu’il a dû subir, dans ce livre ce sont essentiellement des relations sexuelles entre adultes, la nécessité de se débarrasser de ses fruits, qui sont abordés.
De roman et roman, Hervé Gagnon fait évoluer la situation de ses personnages tout en les impliquant dans des intrigues aux ressorts nombreux et parfaitement conçus. Emma qui, à plus de trente ans se considérait comme une vieille fille, a trouvé l’amour avec un ex-détective anglais qui s’installe au Canada. La religion se mêle encore de contrarier leur chemin vers un mariage.
Joseph, qui avait un gros faible pour Mary, une prostituée, peut entretenir des relations complices, celle-ci s’étant affranchie de l’obligation de vendre son corps.
Si les débuts financiers d’Emma et Joseph ont été difficiles l’horizon s’éclaircit. Elle a ouvert une boutique et ses modèles de vêtements plaisent beaucoup. Quant au journaliste, les articles tirés de ses précédentes enquêtes lui facilitent l’accès à la publication. Peu à peu le romancier, bien qu’il en cache encore sous le tapis, révèle des raisons de certains comportements de ses personnages.
Cette nouvelle enquête de Joseph Laflamme est fort plaisante à suivre tant pour le traitement du sujet retenu, et de ses conséquences, que pour le groupe empathique des personnages.
serge perraud
Hervé Gagnon, Maria (Une enquête de Joseph Laflamme), Éditions 10/18, coll. “Grands Détectives” n° 5528, mars 2020, 360 p. – 8,10 €.