Une biographie racontée avec un humour noir
Avec la série La véritable Histoire vraie Bernard Swisen propose les biographies des grands méchants de l’Histoire. Certes, ils sont nombreux et le choix s’avère difficile. De plus, ils se renouvellent, chaque siècle accouchant de nouveaux tyrans sanguinaires.
Après quelques beaux spécimens tels que Hitler, Torquemada, Attila… il manquait un des meilleurs dans le genre : Staline. Cette injustice est réparée avec la parution de ce septième tome.
Si Staline réussit une opération de communication sans pareil, ne s’est-il pas fait surnommer Le petit père des peuples ou comme l’écrit Gordon Zola Le petit père dépeuple ? Il est sur le podium des plus grands criminels de l’Histoire.
Avec une guerre contre la paysannerie pour la collectivisation forcée des terres qui amena une famine effrayante responsable de 6 à 8 millions de morts, des procès fabriqués de toutes pièces qui feront entre exécutions sommaires, purges… plus d’un million de cadavres.
S’il n’a pas inventé le Goulag, il s’en est montré un fervent utilisateur, le développant absurdement, envoyant des dizaines de millions de personnes dans ces camps de la mort. Piètre chef de guerre, il sacrifie des millions de soldats contre l’armée allemande.
Il institue un régime de terreur dont on trouve peu de pendants ailleurs. La Guerre froide est pour lui l’occasion de faire quelques purges supplémentaires.
En 102 planches, Bernard Swysen décrit le parcours de cet individu que rien ne prédestinait à une telle carrière. Il naît en Géorgie, dans la petite ville de Gori. Son père, cordonnier, est un ivrogne invétéré. Sa mère compense en le choyant avec les moyens du bord. C’est la misère noire. Il survit à la variole, mais restera marqué à vie, et à différents accidents qui laisseront des séquelles.
Sa mère veut qu’il soit prêtre, un haut statut dans l’échelle sociale de cette région rurale. Il intègre le séminaire de Tiflis. Il fréquente des porteurs de ces idées révolutionnaires qui se font jour, fait des séjours en prisons, en camps. Il progresse dans la hiérarchie et accède au prix de nombreux meurtres – il faut bien éliminer les ennemis du peuple – à des postes importants dans la clandestinité.
Le petit Iossif, surnommé Sosso par sa mère, a laissé place à Staline – l’homme de fer – qui va s’imposer comme le seul maître d’un immense empire, devenant incontournable sur la scène internationale.
Ptiluc, qui réussit à merveille le dessin animalier, assure le graphisme de cet album. Il possède une belle maîtrise de ce genre avec ses célèbres albums où les rats tiennent les principaux rôles. Staline est représenté par un ours, Lénine par un chat Trotski par un coq…
Il met en pages, avec dynamisme, les différentes étapes de la vie de Staline, privilégiant les personnages, délaissant quelque peu les décors grandioses.
Une introduction de Marie-Pierre Rey présente, en deux pages, le personnage. Cette historienne conclut son propos par : “… la bande dessinée convie ses lecteurs à une plongée efficace dans la cruauté et l’absurdité du régime stalinien. À l’heure où, ça et là, surgissent des réécritures complaisantes sinon frauduleuses de cette période, l’entreprise s’avère des plus salutaires.” Un cahier fort bien venu complète la biographie, revenant, par exemple, sur ce qu’est le communisme, le dernier tsar…
Un album passionnant pour la synthèse du scénariste sachant retenir des moments clés de la vie du criminel, raconté avec un ton enlevé, un humour pimenté, mis en images avec tonus par un Pitluc au mieux de sa forme.
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serge perraud
Bernard Swysen (scénario) & Ptiluc (dessin et couleurs), La véritable Histoire vraie – Staline, Dupuis, coll. “La véritable Histoire vraie”, février 2020, 120 p. – 20,95 €.