Que le sous-sol est riche en secrets, en mystères
Philippe IV, dit Le Bel, surnommé également Le Roi de fer, a laissé dans l’Histoire une trace conséquente. Il est entré en conflit avec le pape Boniface VIII car il contestait la prééminence, que celui-ci avait instaurée, du pouvoir spirituel sur le pouvoir temporel, en fait celle du pape sur les rois. L’excommunication du royaume est sur la sellette lorsqu’il arrête l’évêque Bernard Saisset qui fomente une révolte en Languedoc, met ses biens sous séquestre, au mépris de l’immunité ecclésiastique.
Il est célèbre pour sa lutte contre les Templiers et pour être à l’origine de la fameuse malédiction lancée par Jacques de Molay depuis son bûcher. Mais, il a su conforter le royaume, rétablir une prospérité économique. Il est sans doute le premier souverain d’un État puissant et centralisé.
En 1301, un homme fuit dans la nuit, poursuivi par les soldats du Châtelet. Il se cache parmi les mendiants réfugiés sur le parvis de Notre-Dame. Ceux-ci murmurent, en tremblant : “C’est Lanius”. Et celui-ci semble disparaître dans les souterrains sous la cathédrale, un lacis presque inconnu. C’est dans ce réseau que, pendant des mois, Arnaud de Villanova dit Le Catalan, un illustre médecin, a établi son atelier clandestin.
Philippe de Fontainebleau s’est introduit dans le repaire fermé depuis deux ans, depuis que Le Catalan est parti pour Rome, sous la protection du pape, sans terminer l’apprentissage de son élève. Il faut absolument que cet homme revienne à Paris. Pour cela, il faut envoyer quelqu’un à Rome convaincre Boniface VIII de renvoyer le savant en France. Le cardinal Matteo d’Acquastana lui semble le plus apte à réussir. Il s’introduit nuitamment chez le prélat, lui causant une belle frayeur.
Philippe rejoint alors ses appartements où l’attend Alphonse de la Cerda sans ramener le fruit des recherches que le vieux savant menait, des recherches sur un antidote infaillible contre une menace qui laisserait le royaume exsangue. Avant de fuir à Rome, Le Catalan n’a-t-il pas déclaré : “Des souterrains de Notre-Dame, l’Antéchrist envahira la terre.”
Philippe IV est le personnage central du roman, celui qui d’une façon ou d’une autre orchestre l’intrigue. Barbara Frale retient un moment du règne où sa légitimité est mise en cause. Pour animer son récit la romancière convoque le “gratin” de l’époque. D’abord Jeanne de Navarre, l’épouse de Philippe. On retrouve Guillaume de Nogaret, Dante, la famille Colonna dont des membres, en 1297, attaquent et pillent le convoi qui transportait le trésor de Boniface VIII.
Outre le pape qui tient une place importante, parcourent le récit Alphonse de la Cerda dit le Déshérité, Jacques de Molay et ses Templiers et Arnaud de Villanova, un médecin et théologien catalan, personnalité éminente parmi les intellectuels de son temps. Il fut accusé de répandre l’impiété avec ses théories, mais devint le médecin personnel de Boniface.
Avec ces personnages illustres, dont elle dresse des portraits criant de vérité, l’auteure imagine une intrigue tout en finesse qui s’appuie sur des faits authentiques et qui peut parfaitement se concevoir. Barbara Frale propose un roman au contenu d’une belle richesse tant en authenticité qu’en fiction, d’une grande capacité inventive dans les péripéties, avec une conclusion surprenante fort bien amenée.
Les Souterrains de Notre-Dame est présenté comme son premier roman traduit en France. On en redemande !
serge perraud
Barbara Frale, Les Souterrains de Notre-Dame (Sotterranei di Notre Dame), traduit de l’italien par Michel Musolino, cherche midi, coll. . “Thrillers”, février 2020, 312 p. – 22,00 €.