Quand un ado voit sa vie bouleversée
L’Occitanie a été une région forte, autonome, ayant sa langue, ses lois, sa culture. Des mouvements revendiquent le retour à une renaissance de ce passé glorieux, de cette identité. Avec cette idée de revendication Benoît Séverac compose un récit dynamique, jouant avec une kyrielle de rebondissements, de coups de théâtre jusqu’à une conclusion singulière et superbe.
Il ne fait pas dans l’économie pour détraquer la vie, ébranler les certitudes de son jeune héros, le faisant aller de surprises en découvertes, de révélations en bouleversements, jusqu’à le mettre en grand danger.
Étienne, un adolescent de quinze ans, est mis à l’écart dans la petite bourgade où il vit avec ses parents. Ceux-ci font aussi l’objet du même ostracisme. Depuis des années, il ne participe plus aux activités organisées pour ceux de son âge. Il n’a pas de copains sauf Yannis qui n’est pas originaire du village. Il est le fils d’un gendarme qui était stationné à Carcassonne. Mais, maintenant, il est à Bayonne.
Un soir, Étienne s’étonne de ne pas trouver son père à la maison. Sa mère, les larmes au bord des yeux, ne répond pas toute de suite mais assure qu’il est parti pour quelques jours et qu’il va bien. Étienne insiste sans avoir d’autres réponses. Le téléphone de son père passe directement en messagerie. Pressentant des problèmes, il décide de le chercher par lui-même.
Il se rend chez l’employeur de son père, chez son oncle, bien que celui-ci ne parle plus à ses parents depuis des années. Personne ne sait ou ne veut parler. Il entend, dans les médias, l’annonce de l’évasion, la veille, d’un militant emprisonné pour vingt ans après le meurtre d’un gendarme.
Étienne se souvient, alors, d’une balade faite avec son père dans un lieu qui enchantait celui-ci. Mais peut-il imaginer un instant, ce qu’il va découvrir…
Le récit se déroule dans le décor d’une bourgade au cœur d’une région viticole où les habitants se succèdent de générations en générations, reprenant, quand ils le peuvent, les exploitations familiales. Les liens sont forts, chacun étant connu depuis sa plus tendre enfance. Aussi, quand un événement tragique survient, secoue des membres de la communauté, que les rumeurs propagées à “bon escient”, désignent des responsables, des coupables, tout le pays fait bloc contre les traîtres.
Ce roman est aussi l’occasion pour le romancier, d’explorer nombre de problématiques telles que la façon de vivre, de se revendiquer d’une culture et les difficultés identitaires au sein de la cellule familiale. Pour la première, il présente deux approches possibles, deux approches utilisées par des militants, ainsi que les difficultés qu’elles soulèvent. Faut-il avoir la vision d’une histoire que l’on fige, de racines qui ne tolèrent pas de remise en cause, amenant un repli sur soi ou prendre ces racines et les intégrer dans une vision plus large, plus vaste à l’échelle d’un pays, d’un continent ?
Le cadre familial que l’auteur défini comme le lieu de l’amour est aussi le lieu du non-dit, voire du secret. Et, n’est-ce pas au sein de la famille qu’il est le plus difficile d’affirmer sa propre personnalité ?
Autour de ce jeune héros, un personnage de rejeté, de mis au ban du groupe, le romancier anime une belle galerie de personnages attractifs, avec leurs contradictions, leurs convictions, leurs luttes pour exister.
Une fois encore Benoît Séverac signe une belle histoire qui retient l’attention et soulève nombre de réflexions.
serge perraud
Benoît Séverac, Le jour où mon père a disparu, Syros coll. “Hors-série”, janvier 2020, 240 p. – 15,95 €.