Un beau conte écologique et humain…
Avec ce petit ourson blanc dont le cadre de vie se situe sur la banquise, Emilio Ruiz conçoit une belle histoire, fait découvrir ce qui compose l’existence de ces animaux, les conséquences de la diminution de leurs domaines de chasse et leurs carences en nourriture. Or, il faut qu’ils profitent de la bonne saison pour se nourrir abondamment, constituer la réserve de graisse qui leur permettra de survivre à l’hiver.
Outre la fonte des glaces, la présence humaine de plus en plus importante, perturbe les animaux, les repoussent vers des contrées lointaines. Des convois ferrés permettent de pénétrer dans leurs zones de vie pour les observer.
Waluk est un petit ourson blanc abandonné par sa mère. Nonobstant la faim, il tente de se rendormir dans sa tanière creusée dans la glace. À son réveil, malgré un rêve agréable, il est seul et doit trouver à manger. Après plusieurs jours à grignoter des algues et des poissons morts, il se résout à attaquer une colonie d’oies pour dévorer leurs œufs. Alors qu’il avale gloutonnement, un ours adulte arrive et le chasse méchamment. Le coup l’assomme.
Esquimo, un vieil ours qui a eu une forte présence quand il était plus jeune, s’occupe de le ranimer. Waluk est effrayé, mais il le rassure et le prend sous sa protection en attendant que la mère de l’ourson revienne. Il l’éduque, lui apprend comment attraper un phoque. Ils deviennent inséparables. Esquimo évoque les humains, lui dit de se méfier de ces animaux sans fourrure qui possèdent des bâtons qui tuent de loin.
Le gibier devient plus rare avec la fonte des glaces. Il faut se rapprocher des humains qui distribuent des sardines et abandonnent des restes de nourriture. Aussi, quand Esquimo tombe dans un piège, et qu’il sera sans doute abattu, Walik mobilise les ours…
Waluk, comme tous les enfants, rêve de devenir très grand et très fort, à l’image de ce Nanuq, un ours légendaire dont Esquimo l’a entretenu. Le scénariste raconte les rapports distants avec les humains, avec des chiens de traîneaux qui vantent leur sort, n’ayant pas à chasser pour se nourrir.
Emilio Ruiz met beaucoup d’humour dans ses descriptions, dans la perception que les ours peuvent avoir de leur environnement.
Il faut lire le truculent portrait des humains par le vieil Esquimo.
Ana Miralles assure un graphisme mémorable. Elle a séduit des dizaines de milliers de lecteurs en réalisant la série Djinn, scénarisée par Jean Dufaux (Dargaud). Elle change totalement de registre avec un dessin animalier du plus bel effet. Elle donne à cet ourson une expressivité et une gestuelle remarquables, comme à Esquimo son mentor. Ses traits élégants, ses couleurs délicates, sa façon de faire ressortir les variations des teintes de la glace font merveille.
Attractif, humoristique, documenté, ce premier volet d’un diptyque entraîne l’adhésion en révélant une histoire où se mêlent la vie des ours polaires, des données écologiques, des thèmes philosophiques, mis en images avec une remarquable délicatesse.
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serge perraud
Emilio Ruiz (scénario) & Ana Miralles (dessin et couleur), Waluk – t.01 : La grande traversée, Dargaud, février 2020, 48 p. – 9,99 €.