Henri Alekan, Le Vécu et l’imaginaire

Instruc­tif et captivant

Ces mémoires du grand chef opé­ra­teur ont tout pour séduire les ciné­philes, y com­pris grâce aux copieuses illus­tra­tions du volume.
On y apprend, entre autres, que le jeune Ale­kan eut du suc­cès en tant que marion­net­tiste de Gui­gnol, et qu’il dut faire de longs efforts avant d’entrer dans son futur métier, dont il rêvait déjà de très bonne heure.

S
a voca­tion res­sort aussi par le biais des des­crip­tions et des expli­ca­tions qu’il donne sur ses diverses façons d’éclairer et de fil­mer – les étu­diants en cinéma devraient tous lire cet ouvrage. Mais la plu­part des lec­teurs seront sans doute cap­ti­vés sur­tout par les anec­dotes et les récits de tour­nage. Ale­kan a connu une pléiade de grands réa­li­sa­teurs, dont René Clé­ment qui fit des courts-métrages avec lui, et qu’Alekan aida à se faire confier le pro­jet de La Bataille du rail. Ils tra­vaillèrent ensemble aussi sur La Belle et la Bête de Coc­teau, avant de faire Les Mau­dits.
Les his­toires de tour­nage de ces trois films sont par­ti­cu­liè­re­ment savou­reuses, le mémo­ria­liste étant non seule­ment bon conteur, mais doté du sens de l’humour. On rit beau­coup aussi en lisant com­ment Gérard Phi­lipe s’y pre­nait pour faire tour­ner en bour­rique Mar­cel Carné, sur le pla­teau de Juliette ou la clef des songes (pp. 182–183).

On appré­cie éga­le­ment la ten­dance d’Alekan à se moquer de lui-même, notam­ment à pro­pos de telles vaines ten­ta­tives de séduire des actrices – à ce pro­pos, on lit entre les lignes qu’il n’y en eut guère dont Ale­kan n’ait pas été amou­reux, ne serait-ce qu’un peu, le temps d’un tour­nage. Mais le mor­ceau le plus hila­rant concerne Serge Reg­giani en train de cour­ti­ser Anouk Aimée, d’une façon tout sauf cou­rante (p. 177), que je n’éventerai pas.
Pour reve­nir aux grands cinéastes, les évo­ca­tions de William Wyler (Vacances romaines) et de Losey (Deux hommes en fuite) sont par­ti­cu­liè­re­ment ins­truc­tives, à la fois pour ce qui concerne leur façon de tra­vailler et celle de l’auteur. Dans les deux cas, Ale­kan a été amené à accom­plir des prouesses pour les satis­faire, en s’adaptant à des exi­gences très différentes.

En somme, c’est un livre recom­man­dable à toute per­sonne qui s’intéresse au cinéma. A lire et à offrir.

agathe de lastyns

Henri Ale­kan, Le Vécu et l’imaginaire, La Table ronde, octobre 2019, 384 p. – 26,80 €.

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