Carlos Giménez, Paracuelos — Intégrale Vol 2

Une jeu­nesse infer­nale dans les foyers franquistes…

Para­cue­los est une série aty­pique où l’auteur raconte son enfance dans les orphe­li­nats que le régime fran­quiste ins­talle dans tout le pays. Il y place les orphe­lins, bien sûr, mais aussi tous les enfants de ceux qu’il enferme à tour de bras.
Car­los Gimé­nez intègre un foyer de ce genre à cinq ans. Son père est mort et sa mère, malade, est dans un éta­blis­se­ment de soins. Les enfants sont sou­mis à une édu­ca­tion spar­tiate fon­dée sur la reli­gion et l’instruction mili­taire.  C’est dans ce cadre qu’il uti­lise ses talents artis­tiques comme mon­naie d’échange avec ses cama­rades. Ger­mera alors l’idée que le des­sin peut être une voie pro­fes­sion­nelle. Il quitte cette assis­tance, dite sociale, lais­sant der­rière lui une enfance triste et misé­rable, avec un vide cultu­rel qu’il met­tra des années à com­bler.
C’est à 35 ans, en 1976, un an après la mort de Franco, qu’il décide de racon­ter ces années de plomb. Cepen­dant, ses récits ne sont pas bien accueillis. Les res­pon­sables d’édition ont été sur­pris de voir cette repré­sen­ta­tion d’enfants famé­liques, aux yeux déme­su­rés et aux oreilles dis­pro­por­tion­nées. À l’époque, en Espagne, les textes impor­taient peu, c’étaient les des­sins qui pri­maient, des des­sins où la taille des seins des per­son­nages fémi­nins était privilégiée.

C’est dans Fluide Gla­cial, la revue fran­çaise, diri­gée par Mar­cel Got­lib qu’il peut faire paraître ses pre­miers récits. Ceux-ci ren­contrent le suc­cès, pas­sant vite à la publi­ca­tion en albums. Il y aura six tomes qui vont se suc­cé­der à un rythme sou­tenu. En 2016, il reprend les nou­velles écrites dans les années 1970, pour com­plé­ter les pre­miers albums, et il les déve­loppe en planches.
Ces tomes 7 et 8 inti­tu­lés res­pec­ti­ve­ment Les hommes de demain et Ce n’est pas la faute des mamans sont tra­duits et publiés pour la pre­mière fois en France dans la pré­sente intégrale.

Si, dans les débuts, Car­los Gimé­nez raconte le quo­ti­dien des foyers, la dis­ci­pline, la reli­gion, les châ­ti­ments, le froid, la faim, dans ceux-ci il évoque plus les sen­ti­ments. Il retrace ce que res­sen­taient les internes, les rela­tions entre eux, la faim, la soif, l’attente de la visite des parents, des nou­velles des frères et des sœurs dont ils sont sépa­rés, pas­sant des années sans se voir. Il expose la manière dont ces jeunes gar­çons per­ce­vaient le monde exté­rieur, un monde inconnu pour eux.
Il relate les évé­ne­ments excep­tion­nels qui rom­paient quelque peu la mono­to­nie de la vie au foyer tels que la visite d’un res­pon­sable régio­nal en tour­née d’inspection… Dans Les hommes de demain, titre tiré d’une chan­son pha­lan­giste qu’ils chan­taient en défi­lant, il décrit, entre autres, la quête pour obte­nir et gar­der des illus­trés, un énorme tré­sor pour qui en possédait.

Carlos Gimé­nez raconte sans fards cette période, les his­toires cruelles, les scènes effrayantes, les châ­ti­ments atroces, le fana­tisme reli­gieux dans un témoi­gnage poi­gnant. Cette Inté­grale com­plète avan­ta­geu­se­ment les pre­miers albums pour don­ner une vision com­plète de la vie dans ces foyers, une vie que l’on ne peut sou­hai­ter à quiconque.

serge per­raud

Car­los Gimé­nez (scé­na­rio et des­sin), tra­duc­tion de Béa­trice Cor­nière, Para­cue­los — Inté­grale Vol 2, Fluide Gla­cial, jan­vier 2020, 160 p. – 23,90 €.

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