L’OPJ Philippe Derval reprend du service
Frank Hamonic est ivre-mort au volant de sa fourgonnette chargée de ses dernières rapines. Il a bien du mal à rejoindre sa tanière au fond du hangar où il entrepose les objets de son commerce de chiffonnier. Alors qu’il accède à son gourbi, il sent une présence derrière lui.
À la gendarmerie, Didier Colignon, le nouveau lieutenant, présente ses objectifs de travail à la brigade et offre un pot d’arrivée. Un appel interrompt les agapes. Marie-Renée Noblet a trouvé Frank, son gendre, pendu dans son hangar. Les premières constations laissent penser à un suicide, thèse soutenue par le médecin légiste. Mais celui-ci a des problèmes familiaux et la tête ailleurs. Or, quelques éléments troublent Derval. Ayant convaincu son supérieur, celui-ci en réfère au procureur qui nomme une juge d’instruction.
En compagnie de Germain Le Leuch, Philippe Derval commence à fouiller dans l’entourage du défunt, dans son passé. Très vite, compte tenu de la vie dissolue menée par le jeune homme, des assassins potentiels se révèlent, au premier rang duquel se situe sa belle-mère. Frank n’est-il pas responsable du suicide de la fille de cette dernière, une jeune femme qu’il a épousée et à qui il a fait un enfant ?
Une autre mort préoccupe les gendarmes. Une fillette a été retrouvée décédée dans un fossé, renversée par un chauffard.
Et de nouveaux cadavres sont découverts…
Port-Louis est situé dans la rade de Lorient et compte quelques 2 600 habitants, ainsi qu’une superbe forteresse. C’est dans cette partie de la Bretagne maritime que le romancier choisit de revenir avec son héros, l’adjudant Philippe Derval rencontré pour la première fois dans Trois femmes en noir (Presses de la Cité – 2017).
Avec ce personnage, il anime un enquêteur ordinaire qui cherche, qui se trompe, qui passe à côtés d’indices, qui ne sait pas toujours démêler le vrai du faux, qui doute et qui a des soucis quotidiens. Rien à voir avec ces détectives flamboyants qui vont droit au but, captent le moindre indice, savent analyser la moindre hésitation pour piéger les témoins. De plus, dans la gendarmerie les coups de poing, les cavalcades et courses éperdues ne sont pas de mise. Il en résulte un récit proche de ce qui peut se passer en réalité, de ces enquêtes sur les faits divers dont les médias sont si friands et dont on gave abondement les auditeurs.
Mais l’intérêt de l’intrigue se situe dans cette recherche, dans le choix du thème, un sujet terrible, d’une actualité brûlante, et dans la description de la Bretagne, de ses habitants. L’auteur décrit avec passion la beauté des paysages, la vie quotidienne des habitants, celle de ces femmes et ces hommes qui luttent pour vivre, qui se débattent face à une nature souvent hostile et qui en paient le tribut.
Parallèlement, il brosse la dégradation des sentiments dans les couples, les difficultés de vivre durablement un amour qui s’use au quotidien. Peu de ses couples survivent au passage du temps pour des raisons diverses. Il cite, par exemple, la situation de ces compagnes de gendarmes obligées de suivre les mutations de leur époux et qui se retrouvent à vivre dans des régions qui leur déplaisent, qui doivent abandonner une vie professionnelle.
Et son héros n’en n’est pas exclu, qui va découvrir ailleurs ce qu’il ne trouve plus dans son ménage.
Avec Les Brumes de décembre, Daniel Cario offre un roman passionnant avec cette richesse de description, sa large galerie de personnages et son intrigue qui, même si elle n’est pas trépidante, se situe à un excellent niveau.
serge perraud
Daniel Cario, Les Brumes de décembre, Presses de la Cité, coll. “Terres de France”, avril 2019, 560 p. – 20,00 €.