Bad est la suite de Mad, un roman paru au fleuve noir en 2018. Il y a donc un fort risque de spoiler si vous n’avez pas découvert le premier volet des aventures plus que mouvementées d’Alvina Knightly, une jeune Anglaise de 25 ans. Elle est la jumelle d’Elizabeth, dite Beth. Si tout semble réussir à son aînée, de quelques minutes, Alvina, dite Alvie, ne connaît que des galères. Elles ne s’entendent pas bien. Le dernier clash est survenu quand Alvie, profitant de sa ressemblance avec sa sœur, a essayée de coucher avec Ambrogio, le futur mari de celle-ci. Il est si beau !
Mais Beth, depuis quelques jours, lui demande de venir chez elle, dans sa villa sicilienne, à Taormine. Ayant une vie sentimentale désertique, malgré ses envies, ayant perdu son emploi et s’étant fait mettre à la porte par ses colocataires, elle accepte l’invitation.
Quand débute l’intrigue de Bad, Alvie est en fuite avec Nino. Ils sont en route pour Londres dans La Lamborghini d’Ambrogio, avec deux millions d’euros. Mais le lendemain, Alvie vomit la trop grosse quantité d’alcool absorbée pour se consoler de la trahison de Nino. Il est parti avec l’argent et la voiture. Prudente cependant, elle avait installé une application sur le téléphone de son amant pour le localiser.
Par la télévision, elle apprend que le corps d’une jeune anglaise, du nom d’Alvina Knightly, a été retrouvée en Sicile et que la police recherche sa sœur jumelle pour l’interroger. Commence alors pour Alvie une course folle semée de cadavres avec la mafia et la police aux trousses…
La gémellité offre aux romanciers des potentialités d’intrigue diverses et variées, surtout des possibilités d’échanges. Avec Beth et Alvie, Chloé Esposito créé un couple assez détonnant. Elle imagine une succession de situations toutes plus abracadabrantesques les unes que les autres. Mais le ton guilleret, le style alerte, les phrases courtes, les raccourcis, le choix des termes, un vocabulaire parlant, fleuri, des images frappantes par leur bon sens et leur pertinence dans l’instant où elles sont proférées font oublier les quelques extravagances de l’intrigue.
On se laisse facilement emporter par ce torrent narratif.
L’auteure décrit avec humour, avec dynamisme, les rebondissements et les avatars que vit cette héroïne singulière, aux ressources insoupçonnées. Bien qu’ayant assassinée sa sœur, celle-ci ne la quitte pas,un lien en s’immisçant maintenant dans son conscient et en lui délivrant des messages, des remarques, des commentaires acides ou ironiques.
La romancière parsème son récit de quantités de haïkus, ces poèmes très brefs, en trois vers. Ceux-ci sont en adéquation avec l’action, les contingences auxquelles est confrontée son héroïne. Ainsi, elle en fait un avec treize “merde” qui se termine par : “C’est la cata !” Cependant, elle intègre nombre de citations extraites du Hamlet de Shakespeare que la traductrice, qui fait un travail remarquable, tire des versions d’Yves Bonnefoy ou de François-Victor Hugo.
Mais Chloé Esposito reste triviale quant aux choses corporelles, décrivant les besoins physiques ou les actions avec des associations cocasses : “Je savoure d’avance tous ces biftons… en plus des miettes de chocolat du sablé du Ritz coincées entre mes dents.” Elle ne laisse rien ignorer de sa vie sexuelle, n’hésitant pas à décrire les moments intenses qu’elle vit avec ses amants.
La romancière développe son intrigue selon un calendrier serré. Les premières péripéties débutent le 25 août 2015 dans Mad, elles se poursuivent le 30 août dans Bad pour se conclure le 6 septembre. Une suite est attendue avec cette fin ouverte, une suite qui est la bienvenue tant la lecture des aventures de cette héroïne si particulière est truculente et attractive.
serge perraud
Chloé Esposito, Bad (Bad), traduit de l’anglais par Laura Contartese, Fleuve Éditions, coll. “Roman policier et thriller”, juin 2019, 384 p. – 19,90 €.