Un épisode particulièrement dense
Dans un clip largement diffusé, une jeune chanteuse se pâme pour Largo : “Oh, my Bad Largo… King of the world… Oh my Largo…”, etc. Cette écoute ajoute un souci supplémentaire au staff de l’entreprise qui craint les retombées du Flash Crash dont Largo est accusé. De plus, aucune nouvelle du transfert de ses titres de propriété à Vaduz.
Mais Largo a aussi ses propres soucis. Il est dans l’immeuble, prisonnier de Jonas, et doit trouver une solution pour ne pas rôtir en compagnie de Mary Stricker la tradeuse. Une femme, habillée en motarde, suit ses faits et gestes. Quand il peut se libérer, elle fait sauter le bâtiment. Alors qu’il appelle N°2 pour organiser une réunion d’urgence, il reçoit sur son smartphone la photo de ses titres et un rendez-vous, le lendemain, à Saint-Pétersbourg. Il demande à Mary de rechercher, dans l’historique de Jonas, qui l’a manipulé.
Gessner rencontre la motarde et, contre un gros virement, lui remet, sur une clé l’historique de la séquence du Flash Crash. Sur place, Largo reçoit de nouvelles indications. Il se retrouve dans une rame de métro privatisée par le club des oligarques de la ville. Viktor Palnine lui souhaite la bienvenue et il rencontre Socoliev avec qui il s’affronte. Palnine tire brutalement sur le frein, fait jeter des lacrymogènes et c’est Ksenia, l’impétueuse Directrice de communication qui vient sortir Largo. Ils fuient…
Éric Giacometti multiplie à l’envi tant les actions musclées auxquelles il confronte son héros, et ses soutiens de circonstances, que les retournements financiers. Il jongle avec les procédures boursières, qu’elles soient officielles ou occultes. Si Largo doit s’opposer à des tueurs armés de matériels de destruction classiques, il doit faire face à d’autres pièges relevant du domaine économique et à ses redoutables requins, d’autant que ceux-ci n’ont pas besoins d’être proches de leur proie pour frapper.
Ils peuvent mener leurs agissements de pillage bien à l’abri avec des matériels pas spécialement sophistiqués.
C’est depuis le 21e tome qu’Éric Giacometti, qui possède un savoir-faire certain pour raconter une histoire, a pris les rênes du scénario. Il suffit, pour s’en assurer, de lire la série des enquêtes d’Antoine Marcas, ce commissaire de police franc-maçon, co-écrite avec Jacques Ravenne. Aussi, prendre la relève d’un monument tel que Jean Van Hamme est un beau défi.
Il est préférable d’éviter de faire des comparaisons car chacun a son style, sa façon d’aborder les sujets en fonction de son expérience personnelle, de son vécu.
Ayant été pendant cinq ans au sein du service économique du Parisien, on sent que les courants et les enjeux financiers sont familiers à Éric Giacometti. Et il jongle avec les tous ces termes anglo-saxons qui font fureur dans l’univers de l’argent. Mais, au détour d’une page, il intègre des références littéraires comme le nom du Yacht de Palnine qui porte le titre d’un roman d’Alexandre Grine (1880 – 1932) Alye Parussa, Les Voiles écarlates. C’est un livre très poétique par un auteur au parcours singulier.
Quant à Philippe Francq, son dessin est toujours aussi aiguisé dans ce style réaliste qu’il sait si bien mettre en scène. Il offre des pages magnifiques par ses décors, ses personnages et à la multitude d’actions toniques qu’il lui faut mettre en scène. Son trait fin, élégant, toujours juste est du plus bel effet. La mise en couleurs se partage entre lui et Bertrand Denoulet.
Un nouveau diptyque est d’ores et déjà annoncé en quatrième de couverture. Pour l’heure, ce vingt-deuxième album suffit à satisfaire notre envie de lire une bonne histoire bien mouvementée et si joliment mise en images.
serge perraud
Éric Giacometti (Scénario), Philippe Francq (dessin et couleurs) & Bertrand Denoulet (couleurs), Largo Winch — t.22 : Les Voiles écarlates, Dupuis, novembre 2019, 48 p. – 14,95 €.