Un policier singulièrement atypique
Après Sirènes, le premier volet d’une série consacrée à Aidan Waits, un policier de Manchester, Joseph Knox propose Chambre 413. Il est affecté à la patrouille de nuit en sanction de ses actes de corruption, de confection de preuves, de vol et usage de drogue. On retrouve dans cet épisode Aidan qui fait équipe avec l’inspecteur principal Peter Sutcliffe dit Sutty. Ils ne s’apprécient pas (c’est un euphémisme !) : “Notre tandem était une sorte de châtiment pour lui comme pour moi.” Il a arrêté la drogue mais continue d’être en butte à la méfiance, voire la haine de ceux qui l’ont connu précédemment.
L’introduction raconte l’assassinat d’un couple de personnes âgées qui a ouvert leur porte, un soir, à un garçonnet trempé, pieds nus.
La chaleur est accablante en ces mois d’été. Aidan intervient dans une affaire de harcèlement. Une étudiante a eu une relation sexuelle avec un homme rencontré en boite de nuit. Si elle refuse de le revoir, il met sur Internet les scènes qu’il a filmées. Aidan retrouve l’homme, un journaliste de télévision, et le convainc d’effacer toutes traces.
Quand il regagne la voiture de patrouille, Sutty lui dit qu’ils doivent aller au Palace Hôtel. L’alarme antieffraction s’est déclenchée et personne ne l’arrête. À l’entrée, ils retrouvent une employée de l’étude notariale chargée de la vente de l’immeuble désaffecté. Elle a été prévenue et s’étonne qu’Ali, le veilleur de nuit, ne soit pas à son poste.
Alors que Sutty s’attribue la fouille du rez-de-chaussée, Aidan, prudemment, explore les étages. C’est au 3e qu’il trouve le veilleur assommé avec un extincteur. Une ombre traverse le faisceau de sa lampe. Au 4e, il voit la sortie de secours entrebâillée et une lumière provenant d’une chambre. La porte de la 413 est ouverte. Face à la fenêtre, assis dans un fauteuil, le corps d’un homme, les yeux grands ouverts, les dents découvertes par un sourire glaçant. Aidan remarque un étrange motif sur une des jambes du pantalon. L’examen par la légiste révélera qu’il n’a ni papiers, ni empreintes digitales, les dents ont été limées et remplacées, les étiquettes de ses vêtements enlevées. Le parfait inconnu ! Et pourtant, Aidan, qui se retrouve chargé de cette affaire, doit trouver la vérité, pour la justice et …pour lui !
Ce cadavre inidentifiable a été inspiré au romancier par un cas réel qui a eu lieu en Australie. Il est connu sous le nom de Taman Shud. Un homme a été retrouvé mort dans une petite ville en 1948. À ce jour, personne n’a encore pu percer son identité ni les circonstances de sa mort. Le seul indice est un message cousu dans les vêtements : Tamam Shud.
L’enquête va se révéler complexe car elle met en jeu nombre de sentiments, d’émotions pour amener à des mobiles qui combinent la jalousie, l’adultère, des magouilles financières et des réseaux de “disparaisseurs” pour des individus qui veulent changer d’identité. Le romancier donne une intrigue retorse où toutes les apparences sont trompeuses.
Autour de cet axe central qu’est la recherche de l’identité du mort, Joseph Knox développe quelques intrigues secondaires qui se relient à la principale. Ainsi, par exemple, cette famille où le compagnon de la mère la frappe, comme les trois enfants, mais qui se sert de l’aîné pour des vols, des assassinats. Il y a des coups de téléphone mystérieux, des fantômes du passé qui réapparaissent.
Le récit se déroule à un rythme assez lent, détaillé, circonstancié, s’accordant parfaitement à celui d’une enquête menée par des hommes ordinaires. Le romancier donne des images truculentes pour situer certaines situations, définir un état d’esprit.
Avec Chambre 413, Joseph Knox construit un roman autour de l’identité, tant celle du cadavre que celle d’Aidan, qui se cherche. Et, peu à peu, le romancier dévoile le lourd passé de son héros.
serge perraud
Joseph Knox, Chambre 413 (The Smiling Man) traduit de l’anglais par Fabienne Gondrand, Éditions du Masque, octobre 2019, 416 p. – 21, 50 €.