Gérard Mordillat, Jérôme Prieur & Éric Liberge, Le Suaire — t.03 : “Corpus Christi, 2019″.

Mensonges et vérités ?

Après Lucy, non­nette à Lirey au XIVe siècle, Lucia, fille d’un baron monar­chiste de Turin au XIXe siècle, le troi­sième volet de la tri­lo­gie suit les pas de Lucy, cinéaste au Texas, au XXIe siècle.
Avec cette série, Gérard Mor­dillat et Jérôme Prieur signent leur pre­mier scé­na­rio de BD. Cepen­dant, ils ont déjà bien exploré les fon­de­ments du chris­tia­nisme avec des essais et sur­tout avec des docu­men­taires tels que , docu­men­taires récom­pen­sés par de nom­breux prix.

Lucy Bern­heim, qui veut réa­li­ser un film sur Le Suaire pour contrer l’intégrisme catho­lique des USA, a pris rendez-vous avec le prêtre de Lirey pour décou­vrir les tra­vaux que celui-ci a menés sur le Lin­ceul. Il démontre, avec des argu­ments scien­ti­fiques à l’appui, que ce linge ne peut avoir tou­ché le corps de Jésus-Christ.
Lucy tourne son film avec Henry. Celui-ci jouait un spec­tacle d’Antonin Artaud sur L’histoire vraie de Jésus-Christ, dans un petit théâtre. Quand ils se ren­contrent, ils se recon­naissent comme venant du passé, et c’est le coup de foudre réci­proque. Si Lucy s’investit dans son film, Henri se donne com­plè­te­ment dans son rôle, hanté par le per­son­nage au point de vou­loir aller au bout. Mais Lucy a vécu des moments ter­ribles avec son pro­fes­seur de théo­lo­gie. Elle était sa meilleure élève et c’est natu­rel­le­ment qu’il l’invite, lors du voyage d’études à Turin, à voir le Suaire après la fer­me­ture du site. Il la viole dans la crypte. Depuis, il gre­nouille dans les réseaux d’extrême-droite.
C’est à l’avant-première que les évé­ne­ments vont se pré­ci­pi­ter dramatiquement…

Avec la pré­sente série, les scé­na­ristes abordent un ques­tion­ne­ment sur ce Suaire exposé à Turin depuis 1578 et cherchent à en don­ner la genèse d’un point de vue scien­ti­fique. Si, dans les volumes pré­cé­dents de la série, ils s’attachaient à suivre la nais­sance puis la renais­sance du Suaire, dans ce tome, ils relèvent les impos­si­bi­li­tés de ce “miracle” et donnent une image effrayante du fana­tisme reli­gieux qui sévit aux États-Unis.
Ils intègrent, bien évi­dem­ment, des élé­ments de fic­tion pour struc­tu­rer leur récit, don­ner des déve­lop­pe­ments dra­ma­tiques, tout en expo­sant ces croyances, cet aveu­gle­ment allant jusqu’à réfu­ter des preuves indé­niables, refu­ser de recon­naître qu’il s’agit d’une énorme manipulation.

Forte­ment docu­menté, ce scé­na­rio prend en compte les contextes des dif­fé­rentes époques, éclaire de façon impar­tiale les dif­fé­rents aspects de cette relique en en don­nant une vision réa­liste. Le des­sin en noir et blanc d’Éric Liberge fait mer­veille pour mettre en images ce scé­na­rio dont cer­taines évo­ca­tions relèvent de l’imagination, du regard exta­tique. S’il donne aux per­son­nages une expres­si­vité appro­priée, il livre des décors tra­vaillés et des pleines pages four­millantes de détails.
Cor­pus Christi, 2019, ce troi­sième tome, clôt en apo­théose une série remar­quable à tous points de vue.

serge per­raud

Gérard Mor­dillat & Jérôme Prieur (scé­na­rio), Éric Liberge (des­sin), Le Suaire — t.03 : Cor­pus Christi, 2019, Futu­ro­po­lis, sep­tembre 2019, 72 p. – 17,00 €.

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