Éric Stalner & Cédric Simon, Exilium – t.03 : Sonntag

Quand la nature se fâche

Nombre de récits de science-fiction prennent pour thème la révolte des créa­tions humaines contre leurs concep­teurs et les exemples ne manquent pas depuis la créa­ture de Fran­ken­stein. Mais, depuis l’arrivée de l’informatique, dans les années 1970, les dérives des algo­rithmes et autres don­nées magné­tiques font le bon­heur d’auteurs. Cette révolte sert, le plus sou­vent, à ins­tal­ler une tyran­nie comme si les logi­ciels avaient une revanche à prendre. Dean Kontz, dans La Semence du démon va plus loin avec une IA qui séquestre une jeune femme pour lui faire un enfant…
Une société humaine sur­vit sur Kayenn, une pla­nète hos­tile. Ce sont les colons du Glory, un vais­seau spa­tial parti de la Terre depuis bien long­temps. Cette popu­la­tion vit sous la coupe de Koïos, une IA et du Pre­mier qui s’est ins­ti­tué son relais. Ils vivent pri­son­niers d’une enclave construite autour de l’épave du vais­seau car la forêt exu­bé­rante de la pla­nète les menace. Mais Koïos veut deve­nir le maître de Kayenn.

Le début du troi­sième et der­nier tome revient dans le passé pour expli­ci­ter com­ment l’IA a pris son auto­no­mie vis-à-vis de son créa­teur et a libéré ses “frères” en ges­ta­tion. Ceux-ci vont “s’amuser” à détruire l’ancien monde alors que Koïos veut par­tir pour créer son propre uni­vers. Elle donne vie au corps de Sonn­tag, ce sol­dat mort dans lequel le doc­teur Pas­to­riaz a implanté les algo­rithmes la com­po­sant, se rend maître du Glory, un vais­seau spa­tial. Elle embarque une popu­la­tion humaine et lance cette nou­velle arche dans l’univers.
Sur Kayenn, Koïos pour prendre pos­ses­sion de la Terre, fait péné­trer sa mémoire liquide. Sonn­tag, dont la nature humaine s’est révol­tée est mort… Com­mence alors une bataille homé­rique entre l’IA et la nature, cha­cune jetant toutes ses forces dans le com­bat, un com­bat qui met en pièces nombre d’humains, qui déchire Sonn­tag qui reste incer­tain jusqu’à…

Fable ? Para­bole ? Éric Stal­ner et Cédric Simon pro­posent une bataille, une guerre entre des humains et une créa­tion qui a échap­pée à ses concep­teurs. C’est en par­tie le contenu de l’intrigue d’Exi­lium, une tri­lo­gie où l’IA veut fon­der son propre uni­vers qu’elle gou­ver­nera à sa guise. Or, l’envahisseur trouve un oppo­sant à ses pro­jets dans la nature luxu­riante qui couvre Kayenn, une nature qui ne veut pas se lais­ser faire.
Les scé­na­ristes explorent ainsi plu­sieurs thèmes. Outre celui évo­qué plus haut, ils montrent les réac­tions d’une popu­la­tion humaine, en large part, pas­sive, les fon­de­ments de la nature humaine avec son atta­che­ment à d’autres vies et la puis­sance de la végé­ta­tion, la capa­cité de des­truc­tion de la nature.

Le nom de l’IA ne résulte pas d’un choix acci­den­tel ou ano­din. Dans la mytho­lo­gie grecque, c’est un des Titans et en grec ancien ce nom signi­fie Celui qui sait, Celui qui pense. Il finit enfermé dans le Tar­tare, un lieu où l’on expie ses fautes, par Zeus. Éric Stal­ner assure le des­sin, un des­sin tou­jours aussi dyna­mique avec ses mises en pages écla­tées, ses décors fabu­leux et sa maî­trise pour don­ner une expres­si­vité à ses per­son­nages.
Avec Sonn­tag, les auteurs bouclent leur tri­lo­gie, une série super­be­ment mise ne scène avec une débauche de décors, de plans d’ensemble, de vues et pers­pec­tives en plon­gées et contre-plongées et une intrigue, retorse, ten­due, maî­tri­sée avec brio.

serge per­raud

Éric Stal­ner (Scé­na­rio et des­sin), Cédric Simon (scé­na­rio) & Flo­rence Fan­tini (cou­leur), Exi­lium – t.03 : Sonn­tag, Glé­nat, coll. 24x32, mai 2019, 56 p. – 14,50 €.

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