Quand secrets familiaux riment avec…
Avec La disparue de Saint-Maur, Jean-Christophe Portes expose la troisième enquête de son jeune héros. C’est au cœur de la révolution française, dans les années 1790 qu’il le fait évoluer. C’est alors qu’il est placé auprès d’un procureur de la maréchaussée, en Bourgogne que le héros des Deux-Mondes remarque ses qualités d’enquêteur.
Ce jeune garçon, né Brunel de Saulon, chevalier d’Hauterive, fuit alors, sous la houlette du marquis, la tyrannie de son père et devient Victor Dauterive. Malgré son jeune âge, il a dix-sept ans, La Fayette le fait entrer dans la gendarmerie nationale, structure nouvellement crée. Officiellement rattaché à la petite garnison de l’hôtel de ville de Paris, il remplit des missions plus ou moins secrètes pour lui.
Victor Dauterive, lieutenant de gendarmerie à Paris, est chargé par son chef, le colonel Hay, d’enquêter sur la disparition d’Anne-Louise Ferrères, la fille cadette d’un nobliau désargenté qui réside près de Saint-Maur. Il n’est pas bien reçu par une famille qui semble s’accommoder fort bien de la situation. Le juge de paix du canton, nouvellement nommé, a fait les premières constations, sans vraiment chercher la vérité. Victor, malgré les réticences, voire l’hostilité, cherche et questionne. C’est Manon, une jeune servante qui lui donne rendez-vous après lui avoir chuchoté : “C’est eux qui l’ont tuée.“
Au bord de la Marne, il cherche Manon quand il entend crier : “Au secours ! Pitié !” Il se précipite, distingue un corps dans l’eau et la voit se noyer sans pouvoir tenter de la sauver tant la rivière est grossie par l’hiver et le temps exécrable. Il découvre des non-dits, des secrets remontent à la surface. Anne-Louise aurait eu un prétendant, elle écrivait… mais il se heurte à un mur de silence inquiétant.
Son mentor, le marquis de La Fayette, qui veut se présenter à l’élection pour la mairie de Paris lui demande de trouver des éléments permettant de contrer son principal adversaire, Pétion dit le Vertueux. Celui-ci se rend en Angleterre et Victor doit le suivre pour tenter de connaître les raisons qui motivent ce déplacement.
Chaque enquête se déroule sur quelques semaines et comporte toujours trois éléments : une dimension policière, voire d’espionnage, suite à un ou plusieurs meurtres, un moment historique décisif et l’évolution de Victor et de son entourage. Celui-ci, outre le marquis se compose essentiellement de Gris-Poil, sa monture et de Joseph, un petit boiteux d’une dizaine d’années, qui lui a sauvé la vie lors d’une enquête.
Pour ne pas le renvoyer à la rue, Victor l’a pris à son service pour entretenir son petit logement, s’occuper du cheval et réaliser quelques courses.
Le romancier éclaire cette période auréolée d’une gloire sociale, qui a fait basculer un univers en en montrant les aspects sordides, la corruption restant très active à tous les niveaux. Sous les grandes envolées à la gloire du peuple, derrière de magnifiques déclarations, l’homme reste l’homme. Des révolutionnaires, tels que Danton, vivaient dans le luxe, s’enrichissaient dans des affaires troubles.
Précis, très documenté, Jean-Christophe Portes s’intéresse, avec son héros, aux non-dits, à ce qui n’est évoqué qu’à mots couverts dans les livres, les récits des témoins de la période. Or, masquées derrière les grandes envolées, les mensonges, les trahisons, l’ambition, les intérêts privés sont toujours à la manœuvre.
Avec la présente enquête, le romancier lève un voile sur les secrets familiaux, sur les collusions pour accéder au pouvoir dans un magnifique récit servi par une galerie de personnages édifiants.
serge perraud
Jean-Christophe Portes, La disparue de Saint-Maur, Éditions City, coll. “Poche”, mai 2019, 576 p. – 8,50 €.