Une nouvelle approche du mythe d’Orphée
David Chauvel prend pour cadre de son récit un Japon médiéval qu’il revisite, jouant avec les légendes, un thème mythologique et la grande aventure où se mêle amour et action. Il donne, contrairement à ce qu’on pourrait imaginer (sans cependant chercher des réponses ou des indications historiques), une large place aux femmes. Il les fait bénéficier d’une large autonomie et d’une grande liberté.
C’est ainsi que l’héroïne s’oppose à ses parents et décide d’aller chercher ce masque qui l’obsède depuis qu’elle a entendu par des conteurs itinérants, le contexte dans lequel il a été créé… malgré le prix à payer.
Dans la plaine de Mizushiro, les restes de l’armée du clan Zuni sont pourchassés par l’armée du clan Gaïu. Pour échapper aux poursuivants, le général donne l’ordre, à un groupe de lanciers, de tuer ceux qui ne vont pas assez vite. Koburo, dans un groupe qui traîne un blessé, ne se couche pas rapidement pour faire le mort. Il est tué par un lancier.
Des paysans écument le champ de bataille essayant de récupérer des biens qu’ils pourraient revendre. Les soldats, pourtant des paysans comme eux, ont pillé le village ne laissant rien à manger. Survient Sodakïo, une jeune femme qui cherche son fiancé. Quand elle le trouve, elle s’effondre sur son corps. Elle a besoin d’aide pour l’emmener jusqu’au village et l’inhumer. Elle s’offrira en récompense à celui qui l’aidera. Masamura, un jeune homme se propose. C’est un fameux bavard qui, en chemin raconte sa vie.
Au village, après avoir préparé la cérémonie, elle le rejoint pour remplir sa part du marché. Mais Masamura refuse. Elle lui explique alors qu’elle va faire revivre son fiancé grâce au masque aux mille larmes. Celui-ci permet de reprendre les morts et de les ramener parmi les vivants. Il propose de l’accompagner dans son long voyage vers les sources blanches, un voyage périlleux. Elle refuse sèchement car elle veut partir seule avec la mort qui marche avec elle. Mais Masamura est entêté. Aussi quand elle est menacée par une bande de chiens sauvages…
Chauvet associe à cette belle héroïne un jeune paysan à la langue bien pendue, à l’attitude cependant réservée. Il ne profite pas de l’occasion qui lui est offerte sur un plateau, occasion qu’aucun des “queutards” qui sont débusqués actuellement n’auraient laissé passer. Il y a chez ce garçon une attitude de preux chevalier au service de sa dame. Et il ira très loin dans ce service…
Le dessin de Roberto Ali fait merveille pour les gros plans des personnages quand il détaille le visage et les expressions. Il excelle dans la création d’un décor essentiellement rural, proposant forêts et larges panoramas. Le rendu des combats et des actions est dynamique.
Un premier volet d’un diptyque attachant avec cette version féminisée de la quête mythologique d’Orphée, ce poète descendu aux enfers pour en arracher Eurydice.
serge perraud
David Chauvel (scénario), Roberto Ali (dessin), Walter (couleur), Le Masque aux mille larmes – t.01 : La Mort marche avec moi, Dargaud, août 2019, 64 p. – 14,99 €.