Luc Brunschwig & Stéphane Perger, Luminary – t.01 : “Canicule”

Que la lumière éclaire l’Humanité…

À Pitts­boro, dans le sud des États-Unis, au cœur de l’été 1977, c’est la cani­cule. Au Rivera Cir­cus, Billy, un jeune noir, entre dans la cage de la tigresse pour l’aider à mettre bas, le pre­mier bébé se pré­sen­tant mal.
À New York c’est la même four­naise. Mr Hen­kel, un mar­chand de glace, est trou­blé par ce qu’il per­çoit. Sou­dain, c’est l’explosion. La poly­cli­nique voi­sine vole en éclats. Dans les décombres de sa bou­tique le vieil homme demande qu’on lui trouve Darby en s’adressant à… deux libel­lules, alors qu’au cirque, le fauve lèche la figure de Billy.

Trois semaines plus tôt, Darby McKin­ley se pré­sente à la Poly­cli­nique. Il souffre de gros dégâts, cau­sés par le rachi­tisme, sur son sque­lette. Consi­déré comme un monstre pour sa sil­houette défor­mée, il a accepté le trai­te­ment pro­posé par le pro­fes­seur Bal­da­menti. Sur les lieux de l’explosion tout est détruit, pire qu’avec du napalm et pour­tant un sol­dat trouve un être vivant, nu. Il s’agit de Darby incons­cient. Une libel­lule occit le sol­dat. À la Pré­si­dence, c’est l’affolement. Ce dys­fonc­tion­ne­ment dans le pro­jet Sha­mash a fait plus de six cents morts. Il est inen­vi­sa­geable que le gou­ver­ne­ment puisse être mêlé à cette catas­trophe. Alors…
Le mar­chand de glaces rejoint Darby et l’entraîne avant que l’armée lui mette la main des­sus. Ils fuient. Quels trai­te­ments a subis Darby ? Qui est Mr Hen­kel, le mar­chand de glaces ? Billy, après son action pour la tigresse, intègre le numéro de dres­sage des fauves. Mais sa cou­leur de peau lui vaut d’être cap­turé par des supré­ma­tistes blancs qui veulent le pendre…

Avec Lumi­nary, Luc Brun­sch­wig rend un hom­mage appuyé à Ciro Tota, un scénariste-dessinateur ita­lien auteur, entre autres, de Pho­to­nik, une série de super-héros parue dans les années 1980 en petit et moyen for­mat aux édi­tions Lug. Il a été fas­ciné par cette série, point de départ de sa voca­tion de scé­na­riste.
S’il reprend quelques élé­ments de la série, essen­tiel­le­ment les trois per­son­nages prin­ci­paux, il s’en éloigne très vite pour créer sa propre his­toire. Pho­to­nik, par exemple, devient un super-héros par acci­dent, alors que Darby prend conscience de ses capa­ci­tés après un trai­te­ment médi­cal, certes expé­ri­men­tal ! Pour ce faire, le scé­na­riste s’appuie sur des don­nées bio­lo­giques authen­tiques, sur les effets de la lumière sur l’organisme humain pour faire de son per­son­nage, rejeté par tous, un indi­vidu aux capa­ci­tés peu ordinaires.

Le carac­tère de Darby est plus com­plexe, plus tour­menté, presque effrayé par ce qu’il peut réa­li­ser. De plus, le scé­na­riste entoure cet homme lumi­neux d’une gale­rie de per­son­nages aussi étu­diés que pos­sible pour mettre en ten­sion son récit. Il retient comme cadre de son his­toire une période assez com­pli­quée des USA, pen­dant la guerre du Viet­nam, puis lors de l’après-guerre, avec le mou­ve­ment des Black Pan­thers, la pré­émi­nence du Ku Klux Klan, l’émergence des supré­ma­tistes Blancs…
Ce récit qui se déroule vers la fin des années 1970 trouve une réso­nance bien par­ti­cu­lière au regard des évé­ne­ments actuels. Avec des séquences courtes, voire très courtes, Luc Brun­sch­wig impulse un rythme tonique à son récit. Sté­phane Per­get assure un gra­phisme de haute qua­lité. Avec sa tech­nique qui consiste à réa­li­ser sur la même page l’encrage et la cou­leur directe, il obtient des effets remar­quables tant pour les scènes plus “quo­ti­diennes” que pour les explo­sions de lumière des deux cobayes. Il donne une mise en page dyna­mique, osant des pers­pec­tives éton­nantes, des décors bien ren­dus et des per­son­nages remar­qua­ble­ment campés.

L’album, qui se par­tage en cinq cha­pitres, compte 132 pages. Il est com­plété par un dos­sier où tant le scé­na­riste que le des­si­na­teur reviennent sur les ori­gines de leur pro­jet et donnent nombre de pré­ci­sions sur la genèse de celui-ci. Avec Cani­cule, les auteurs offrent un pre­mier volet pas­sion­nant, riche en rebon­dis­se­ments, avec une vision bien éloi­gnée des super-héros anglo-saxons. Remarquable !

serge per­raud

Luc Brun­sch­wig (scé­na­rio) & Sté­phane Per­ger (des­sin et cou­leurs), Lumi­nary – t.01 : Cani­cule, Glé­nat, coll. “Hors col­lec­tion”, mai 2019, 144 p. – 19,95 €.

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