Que la lumière éclaire l’Humanité…
À Pittsboro, dans le sud des États-Unis, au cœur de l’été 1977, c’est la canicule. Au Rivera Circus, Billy, un jeune noir, entre dans la cage de la tigresse pour l’aider à mettre bas, le premier bébé se présentant mal.
À New York c’est la même fournaise. Mr Henkel, un marchand de glace, est troublé par ce qu’il perçoit. Soudain, c’est l’explosion. La polyclinique voisine vole en éclats. Dans les décombres de sa boutique le vieil homme demande qu’on lui trouve Darby en s’adressant à… deux libellules, alors qu’au cirque, le fauve lèche la figure de Billy.
Trois semaines plus tôt, Darby McKinley se présente à la Polyclinique. Il souffre de gros dégâts, causés par le rachitisme, sur son squelette. Considéré comme un monstre pour sa silhouette déformée, il a accepté le traitement proposé par le professeur Baldamenti. Sur les lieux de l’explosion tout est détruit, pire qu’avec du napalm et pourtant un soldat trouve un être vivant, nu. Il s’agit de Darby inconscient. Une libellule occit le soldat. À la Présidence, c’est l’affolement. Ce dysfonctionnement dans le projet Shamash a fait plus de six cents morts. Il est inenvisageable que le gouvernement puisse être mêlé à cette catastrophe. Alors…
Le marchand de glaces rejoint Darby et l’entraîne avant que l’armée lui mette la main dessus. Ils fuient. Quels traitements a subis Darby ? Qui est Mr Henkel, le marchand de glaces ? Billy, après son action pour la tigresse, intègre le numéro de dressage des fauves. Mais sa couleur de peau lui vaut d’être capturé par des suprématistes blancs qui veulent le pendre…
Avec Luminary, Luc Brunschwig rend un hommage appuyé à Ciro Tota, un scénariste-dessinateur italien auteur, entre autres, de Photonik, une série de super-héros parue dans les années 1980 en petit et moyen format aux éditions Lug. Il a été fasciné par cette série, point de départ de sa vocation de scénariste.
S’il reprend quelques éléments de la série, essentiellement les trois personnages principaux, il s’en éloigne très vite pour créer sa propre histoire. Photonik, par exemple, devient un super-héros par accident, alors que Darby prend conscience de ses capacités après un traitement médical, certes expérimental ! Pour ce faire, le scénariste s’appuie sur des données biologiques authentiques, sur les effets de la lumière sur l’organisme humain pour faire de son personnage, rejeté par tous, un individu aux capacités peu ordinaires.
Le caractère de Darby est plus complexe, plus tourmenté, presque effrayé par ce qu’il peut réaliser. De plus, le scénariste entoure cet homme lumineux d’une galerie de personnages aussi étudiés que possible pour mettre en tension son récit. Il retient comme cadre de son histoire une période assez compliquée des USA, pendant la guerre du Vietnam, puis lors de l’après-guerre, avec le mouvement des Black Panthers, la prééminence du Ku Klux Klan, l’émergence des suprématistes Blancs…
Ce récit qui se déroule vers la fin des années 1970 trouve une résonance bien particulière au regard des événements actuels. Avec des séquences courtes, voire très courtes, Luc Brunschwig impulse un rythme tonique à son récit. Stéphane Perget assure un graphisme de haute qualité. Avec sa technique qui consiste à réaliser sur la même page l’encrage et la couleur directe, il obtient des effets remarquables tant pour les scènes plus “quotidiennes” que pour les explosions de lumière des deux cobayes. Il donne une mise en page dynamique, osant des perspectives étonnantes, des décors bien rendus et des personnages remarquablement campés.
L’album, qui se partage en cinq chapitres, compte 132 pages. Il est complété par un dossier où tant le scénariste que le dessinateur reviennent sur les origines de leur projet et donnent nombre de précisions sur la genèse de celui-ci. Avec Canicule, les auteurs offrent un premier volet passionnant, riche en rebondissements, avec une vision bien éloignée des super-héros anglo-saxons. Remarquable !
serge perraud
Luc Brunschwig (scénario) & Stéphane Perger (dessin et couleurs), Luminary – t.01 : Canicule, Glénat, coll. “Hors collection”, mai 2019, 144 p. – 19,95 €.