Comment « l’intelligence » est-elle venue aux hommes ?
Comment et pourquoi l’homme a-t-il acquis une intelligence alors que des engeances analogues n’ont pas évolué de la même façon ? Pourquoi ce que les scientifiques appellent le “Grand Bond en Avant” de l’Homo sapiens reste-il aussi mystérieux ? Que s’est-il passé pour expliquer cette brusque progression il y a 50 000 ans ?
James Rollins s’appuie sur cette interrogation pour concevoir une nouvelle intrigue musclée mettant en scène sa Sigma Force, mêlant avec brio données scientifiques, historiques, légendes, religions et éléments de fiction.
Le roman s’ouvre sur un court chapitre qui raconte une fuite éperdue dans les Alpes du sud, il y a 38 000 ans avant J.-C. Christ. L’action se poursuit à Rome, dans les États pontificaux en 1669. Un messager envoyé par Léopold Ier, l’empereur romain germanique, livre un paquet au père Athanasius Kircher. Ce sont des ossements. Quand il a délivré son message, il sort une dague et se tranche la gorge.
De nos jours, à Ogulin, en Croatie, un groupe de quatre personnes progresse dans des grottes qu’un tremblement de terre récent a révélées. Il réunit un géologue britannique, un paléontologue français. Ils sont accompagnés par Lena Crandall, une généticienne américaine et par Roland Novak, un prêtre dépêché par le Vatican. Ces derniers ne devaient arriver que le lendemain, mais l’importance des découvertes pour la connaissance du passé est si forte qu’ils n’ont pu attendre. Bien que protégé par un escadron de soldats, le petit groupe est attaqué. Les assaillants emmènent les deux professeurs alors que Lena et Roland restent cachés, invisibles. Mais, en partant, les agresseurs font sauter une partie des grottes et le tunnel de sortie, provoquant des modifications importantes dans les cours d’eau souterrains.
Aux USA, la Sigma Force est mobilisée. Il faut secourir le Dr Lena Crandall, cette généticienne qui poursuit, avec sa sœur jumelle, des travaux sur l’évolution de l’intelligence et qui, en Croatie, se trouve en grand danger…
Avec cette nouvelle aventure de la Sigma Force, nom retenu en référence à la lettre grecque qui signifie “la somme de”, James Rollins arc-boute, comme à son habitude, les péripéties vécues par ses héros sur nombre de données authentiques tant scientifiques que sociales, sur nombre d’événements historiques dûment confirmés.
Le grand Bond en Avant et les tentatives pour percer ce mystère sont au centre du récit avec des découvertes archéologiques, des expériences génétiques menées sur des primates. Il fait développer, par des personnages, les diverses hypothèses telles que des rencontres entre les Homos sapiens venus d’Afrique et des Néanderthaliens. Mais, les recherches ne s’arrêtent pas là. Il cite le phénomène d’hétérosis ou vigueur hybride, les possibles apports génétiques par des races totalement disparues comme les Dénisoviens mais dont on retrouve des traces dans les gênes, l’ADN de certains peuples.
Le romancier base une partie de son récit sur les travaux du père Athanasius Kircher, surnommé le Léonard de Vinci des Jésuites et ceux du père Carlos Crespi, un missionnaire qui a réuni une étonnante collection d’objets pouvant prouver l’existence d’une civilisation enfouie dans les entrailles de l’Équateur. Il montre des expériences sur des primates, de ceux qui peuvent apprendre un langage simple à base de signes.
Il met en lumière d’étranges rapports, coïncidences entre les dimensions de la Terre, de la Lune et du Soleil, qui ont fait dire à Isaac Asimov : “…la plus improbable des coïncidences que l’on puisse imaginer.” Il pointe aussi les dangers que présente la Chine avec ses systèmes outranciers de piratage, d’espionnage et d’infiltration.
Et ce n’est pas qu’une vue de l’esprit, la défiance d’un individu dont on pourrait penser que sa nationalité l’amène à ce genre d’opinion. Tout dernièrement, une candidate française est en lice contre le postulant chinois pour la direction de la FAO (Foud and Agriculture Organisation) en juin 2019. Les membres de la délégation française au siège de la FAO à Rome ont consulté la géolocalisation de leur appareils téléphoniques. Celle-ci indiquait qu’ils se trouvaient… à Shangaï! Ils avaient fait l’objet d’une dérivation vers la Chine (Le Canard enchaîné du 24 juillet 2019).
Mais James Rollins excelle si bien à mêler tous ces apports d’informations aux multiples actions, rebondissements et péripéties qu’il fait vivre à ses personnages que ceux-ci renforcent son intrigue la rendant plus musclée.
serge perraud
James Rollins, Le labyrinthe des os (The Bone Labyrinth), traduit de l’anglais (États-Unis) par Leslie Boitelle-Tessier, fleuve noir, coll. “Thrillers”, juin 2019, 592 p. – 21,90 €.