La face noire, très noire d’un Hollywood naissant…
Dans un paysage aride, deux indiens regardent passer un homme à moto. Celui-ci arrive dans une petite bourgade, s’arrête devant le saloon, montre une photo au barman qui, du doigt, indique l’étage. Dans la chambre où l’homme pénètre, une femme en sous-vêtements est attachée sur un lit. Il la délivre, se défait de l’individu masqué qui surgit et emmène la jeune et jolie blonde, en travers de sa moto, direction Hollywood.
Il s’appelle Nevada Marquez. Il est l’homme à tout faire de Louise, une productrice. Il retrouve des gens, livre des objets et remet des acteurs dans le droit chemin… Au milieu d’une réception, Louise lui confie une nouvelle mission. Il faut retrouver au plus vite Mac Nabe, qui a déserté le plateau de tournage de Coup de feu dans le désert. Ce cow-boy légendaire, surnommé L’Étoile solitaire, doit continuer le film sinon les banques feront tout vendre à la productrice, y compris la luxueuse villa. Il aurait été vu en compagnie d’un cascadeur à Tijuana, au Mexique. Pour motiver Nevada, Louise lui rappelle ses promesses faites, il y a quelques années, dans de mystérieuses circonstances.
Mais, au Mexique, Mac Nabe s’est mis dans de bien mauvais draps ! C’est le cas de le dire…
Ce premier volet de la série se situe entre les années 1927–1928 autour de la construction Hollywood. Le choix de cette région par les cinéastes s’explique par son climat. Alors que l’essentiel des scènes sont tournées en extérieurs, un soleil constant, une lumière permanente autorisaient des tournages sans interruption. Les studios restaient encore au stade embryonnaire.
Fred Duval, Jean-Pierre Pécau ont entrepris de raconter ce qui se passait dans cette Babylone moderne, de soulever le voile sur une réalité, détruisant au passage un certain nombre de légendes. C’est le cinéaste Kenneth Anger qui, le premier, dans un livre écrit au début des années 1950 lors d’un séjour à Paris et publié en version édulcorée en 1959, démystifie Hollywood et son industrie du rêve. Lors de sa sortie en 1975, aux États-Unis, il fut purement et simplement interdit tant il fit scandale. Il ne paraît, en France, dans sa version définitive qu’en 2013 sous le titre Hollywood Babylone.
Les scénaristes font vivre, sur les pas de Nevada, les dessous de l’histoire, montrant la réalité, l’alcool qui coule à flot en pleine prohibition, la drogue, les dérapages des acteurs qui deviennent mythomanes et finissent par se croire de véritables héros de l’Ouest. Ils mettent fugitivement en scène d’authentiques personnages, tel Johnny Weissmuller, avant qu’il ne soit Tarzan.
Chaque album comprend une histoire complète où la part belle est laissée à la grande aventure, à l’action, aux poursuites à cheval, à motos, aux combats… Un fil rouge traversera la série avec les liens troubles qui unissent Louise et Nevada.
Colin Wilson propose un dessin réaliste et enchante par les décors qu’il réalise, que ceux-ci représentent le désert, une somptueuse villa ou les bouges mexicains. Il campe ses personnages de belle manière. Avec une mise en page assez classique, il réalise des portraits expressifs et des vignettes particulièrement riches en détails, au plus près de ce qui existait dans les années 1927–28.
Ce premier tome se découvre avec plaisir. Il ouvre une série qui promet d’être très riche de révélations.
serge perraud
Fred Duval & Jean-Pierre Pécau (scénario), Colin Wilson (dessin), Jean-Paul Fernandez (couleurs), Nevada – t.01 : L’Étoile solitaire, Delcourt, coll. “Neopolis”, mai 2019, 56 p. – 14,95 €.