Quatre filles et quatre garçons dans la nuit profonde, conditionnés par le thème de la soirée et par des préliminaires qui instillent une tension, font face à des événements inexpliqués, inexplicables. Philip Le Roy retient, comme cadre de son huis clos, le col de Vence et la région auquel il donne accès. Ces lieux comptent parmi les plus mystérieux de France. Le plateau n’a-t-il pas été dénommé, depuis des temps immémoriaux, le plateau du Diable ?
Les gendarmes ne comprennent pas comment huit adolescents ont pu disparaître au cours d’une soirée. Certes, la villa est isolée. Des traces, des indices laissent penser à une lutte contre une menace. Un brigadier, guidé par des chiens, fait une découverte.
Quelques semaines plus tôt, un groupe d’élèves de la section Arts Appliqués du lycée de Vence, décide de passer une nuit de l’horreur pour changer des soirées bien arrosées. Ils sont huit et forment un groupe soudé. Clément rêve de faire partie du clan. Jusqu’alors, ses efforts pour être admis sont vains. C’est parce qu’il prend leur défense lors d’une agression qu’il est invité à se joindre à eux pour leur prochaine soirée. Dans la villa, ils se lancent des défis, chacun imaginant des situations, des actions pour effrayer les autres. Une fille semble se couper les doigts en cuisinant, un autre se déguise en Dame blanche.… Et Clément n’arrive pas, ce qui étonne compte tenu de son désir d’être avec eux. Le gage, à chaque défi, consiste en l’absorption d’alcool.
Des événements insolites déstabilisent les candidats à l’effroi quand ils se rendent compte qu’aucun d’eux n’est acteur de ces faits. Le malaise se renforce avec la découverte de l’existence du frère monstrueux de Quentin, apparaissant dans le reflet d’une vitre sur une photo. N’est-il pas l’occupant de cette maison isolée ?
Et les disparitions commencent…
Le romancier traite, avec ses jeunes protagonistes, des peurs les plus couramment répandues dans la population humaine. Il les place dans une surenchère de défis qui mêlent légendes urbaines, mythes, paranormal et alcool. Si des thèmes sont relativement classiques, sa façon de se les approprier et de les replacer dans un contexte novateur est plus que réussie.
Il crée une habile galerie d’adolescents réunissant les profils psychologiques et physiques les plus fréquents, tout en se livrant parfois à l’autodérision, notamment quand il fait dire par l’un de ses protagonistes : “Des films avec l’inévitable sportif hardi, la blondasse à gros nibards, l’intello à lunettes, le Chinois ou le black incarnant les minorités, le crétin qui se fait toujours dézinguer en premier…” ?
Le Roy mentionne des références à foison sur la peur, la terreur, l’horreur tant en littérature, au cinéma que dans les arts en général. Il cite nombre de sources en la matière, proposant ainsi un récit hautement documenté sur tout ce qui a trait à ces frayeurs, à ces effrois et leur représentation. Parallèlement, il fait état de performances diverses comme, par exemple, celle de Damien Hirst qui, dans une armoire à pharmacie, a placé plus de 6 000 gélules réalisées et peintes à la main.
Il exploite au mieux ces éléments pour les fondre dans l’intrigue et en faire des ressorts de l’histoire, des ressorts narratifs. Le romancier signe des dialogues pétillants qui sonnent juste, inspiré sans doute par un vécu familial.
Avec un style efficace, une écriture fluide, Philip Le Roy donne un magnifique roman où il utilise les peurs, les réactions qu’elles peuvent susciter pour l’individu et pour son entourage.
Son intrigue, totalement maîtrisée, est servie par une bande d’adolescents très attachante.
serge perraud
Philip Le Roy, Dans la maison, Rageot, mars 2019, 352 p. – 15,90 €.