Le créateur de Sherlock Holmes préférait le roman historique au roman policier. Pour en écrire plus, il a tenté de se débarrasser de son encombrant héros, mais en vain.
En ce début du mois de mai 1349, dans le comté du Surrey, Nigel Loring, seigneur de Tilford, unique descendant d’une des plus nobles familles du comté mais aussi une des plus désargentées, place des brochets dans les étangs de l’abbaye de Wawerley. Il veut que ceux-ci dévorent les ombres et les carpes dont les moines sont friands. La maison Loring est en conflit, depuis des décennies, avec les Cisterciens.
Dans un pré voisin de l’abbaye, des moines essaient de se rendre maître d’un cheval qu’ils ont saisi chez un de leurs débiteurs. Bien qu’il ne les porte pas dans son cœur, Nigel intervient et dompte l’animal. Les moines, ne pouvant rien en faire, le lui donne. Nigel est ravi. Ce cheval est la monture qu’il lui faut pour espérer devenir chevalier.
Les moines, cependant, ont la rancune tenace et font réclamer les arriérés de taxes dues par les seigneurs de Tilford. Le porte-contrainte finit dans la bauge aux cochons. Les moines répliquent en envoyant des soldats se saisir de Nigel pour le faire passer en jugement. Il est sauvé par l’arrivée d’un émissaire du roi. Ce dernier veut passer une nuit dans leur domaine.
Mais comment recevoir décemment un roi quand on n’a pas le sou ? Toutefois, n’est-ce pas la chance de sa vie ? Saura-t-il la saisir ?
Avec Sir Nigel, Conan Doyle dépeint le cheminement d’un nobliau vers l’accession au titre de chevalier. Il raconte les différentes étapes qu’un tel guerrier doit franchir pour tenter d’accéder à ce graal quand l’argent manque. Il décrit avec beaucoup d’humour ce cheminement et les différents avatars que va vivre le candidat pour atteindre son but.
Il dépeint la société de l’époque, se limitant cependant, dans ce premier tome à la noblesse et aux religieux. Le scénariste dresse de ces derniers un portrait féroce, les montrant sous un jour peu chrétien, en opposition parfaite avec ce qu’ils sont censés prôner. Ne sont-ils pas plus préoccupés par la richesse de l’abbaye, par leur confort de vie, que par le sort des populations ?
Les hauts faits d’armes, l’ambiance des tournois, les duels sont restitués avec justesse. Le récit joue avec une certaine légèreté et se fait cocasse, apportant une dimension festive aux aventures de Nigel. Le dessin de Christian Giné au trait léger, subtil, d’une belle élégance met en scène de façon superbe cette histoire. Les personnages sont représentatifs de leur situation et les décors sont à l’avenant.
Si la mise en page est classique, elle sied bien à ce type de récit. Le dynamisme du personnage principal est fort bien rendu, entouré qu’il est d’une galerie étoffée de personnages mais facilement identifiables de pages en pages.
Un premier tome très agréable à découvrir pour une facette peu connue de l’auteur du roman, pour l’adaptation réussie de Roger Seiter et pour le dessin magique de Christina Giné, dessin rehaussé de belle manière par les couleurs parfaitement choisies d’Antoine Quaresta.
serge perraud
Roger Seiter (scénario adapté du roman éponyme de Sir Conan Doyle), Christian Giné (dessin) & Antoine Quaresma (couleurs), Sir Nigel – t.01 : Le Preu du pont de Tilford, Glénat, coll. “24x32”, mars 2019, 48 p. – 13,90 €.