Roger Seiter & Christian Giné, Sir Nigel – t.01 : “Le Preu du pont de Tilford”

Une aven­ture picaresque

Le créa­teur de Sher­lock Holmes pré­fé­rait le roman his­to­rique au roman poli­cier. Pour en écrire plus, il a tenté de se débar­ras­ser de son encom­brant héros, mais en vain.

En ce début du mois de mai 1349, dans le comté du Sur­rey, Nigel Loring, sei­gneur de Til­ford, unique des­cen­dant d’une des plus nobles familles du comté mais aussi une des plus désar­gen­tées, place des bro­chets dans les étangs de l’abbaye de Wawer­ley. Il veut que ceux-ci dévorent les ombres et les carpes dont les moines sont friands. La mai­son Loring est en conflit, depuis des décen­nies, avec les Cis­ter­ciens.
Dans un pré voi­sin de l’abbaye, des moines essaient de se rendre maître d’un che­val qu’ils ont saisi chez un de leurs débi­teurs. Bien qu’il ne les porte pas dans son cœur, Nigel inter­vient et dompte l’animal. Les moines, ne pou­vant rien en faire, le lui donne. Nigel est ravi. Ce che­val est la mon­ture qu’il lui faut pour espé­rer deve­nir chevalier.

Les moines, cepen­dant, ont la ran­cune tenace et font récla­mer les arrié­rés de taxes dues par les sei­gneurs de Til­ford. Le porte-contrainte finit dans la bauge aux cochons. Les moines répliquent en envoyant des sol­dats se sai­sir de Nigel pour le faire pas­ser en juge­ment. Il est sauvé par l’arrivée d’un émis­saire du roi. Ce der­nier veut pas­ser une nuit dans leur domaine.
Mais com­ment rece­voir décem­ment un roi quand on n’a pas le sou ? Tou­te­fois, n’est-ce pas la chance de sa vie ? Saura-t-il la saisir ?

Avec Sir Nigel, Conan Doyle dépeint le che­mi­ne­ment d’un nobliau vers l’accession au titre de che­va­lier. Il raconte les dif­fé­rentes étapes qu’un tel guer­rier doit fran­chir pour ten­ter d’accéder à ce graal quand l’argent manque. Il décrit avec beau­coup d’humour ce che­mi­ne­ment et les dif­fé­rents ava­tars que va vivre le can­di­dat pour atteindre son but.
Il dépeint la société de l’époque, se limi­tant cepen­dant, dans ce pre­mier tome à la noblesse et aux reli­gieux. Le scé­na­riste dresse de ces der­niers un por­trait féroce, les mon­trant sous un jour peu chré­tien, en oppo­si­tion par­faite avec ce qu’ils sont cen­sés prô­ner. Ne sont-ils pas plus pré­oc­cu­pés par la richesse de l’abbaye, par leur confort de vie, que par le sort des populations ?

Les hauts faits d’armes, l’ambiance des tour­nois, les duels sont res­ti­tués avec jus­tesse. Le récit joue avec une cer­taine légè­reté et se fait cocasse, appor­tant une dimen­sion fes­tive aux aven­tures de Nigel. Le des­sin de Chris­tian Giné au trait léger, sub­til, d’une belle élé­gance met en scène de façon superbe cette his­toire. Les per­son­nages sont repré­sen­ta­tifs de leur situa­tion et les décors sont à l’avenant.
Si la mise en page est clas­sique, elle sied bien à ce type de récit. Le dyna­misme du per­son­nage prin­ci­pal est fort bien rendu, entouré qu’il est d’une gale­rie étof­fée de per­son­nages mais faci­le­ment iden­ti­fiables de pages en pages.

Un pre­mier tome très agréable à décou­vrir pour une facette peu connue de l’auteur du roman, pour l’adaptation réus­sie de Roger Sei­ter et pour le des­sin magique de Chris­tina Giné, des­sin rehaussé de belle manière par les cou­leurs par­fai­te­ment choi­sies d’Antoine Quaresta.

serge per­raud

Roger Sei­ter (scé­na­rio adapté du roman épo­nyme de Sir Conan Doyle), Chris­tian Giné (des­sin) & Antoine Qua­resma (cou­leurs), Sir Nigel – t.01 : Le Preu du pont de Til­ford, Glé­nat, coll. “24x32”, mars 2019, 48 p. – 13,90 €.

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