La colonisation de la planète Mars est devenue une réalité, surtout une nécessité pour l’avenir de l’Humanité. Il est obligatoire d’adapter la planète à l’homme, de la terraformer. Les travaux sont gigantesques et malgré des matériels très performants, il faut un minimum de main-d’œuvre. Celle-ci est composée de condamnés. Jasmine Stenford se trouve dans le nouveau contingent qui vient d’arriver. Il y a peu, cette jeune femme était une des meilleures inspectrices de l’unité anti-criminalité de Londres. Dans une intervention les choses tournent mal et elle tue, par erreur, la fille d’un ministre. Pour cette bavure, elle est condamnée et envoyée dans un camp de travail sur Mars, comme au XVIIIe siècle où la moindre peccadille valait les galères car il fallait bien garnir les bancs.
Elle commence une vie de forçat dans un contexte brutal entre le travail abrutissant, la guerre des clans de prisonniers, la surveillance électronique et son passé qui va la désigner comme une cible de choix pour des individus avides de vengeance…
Après une attaque par des codétenus, elle n’a pas d’autre solution, pour survivre, que rejoindre la Nouvelle Église Syncrétique menée par le puissant Xavier Rojas.
Le second tome débute lors de son baptême par immersion. Rojas l’accueille au sein de son église et lui présente ses tuteurs d’âme, ceux qui accompagnent les nouveaux baptisés dans leur spiritualité. Elle découvre que ce sont les mêmes qui l’ont agressée à la sortie des douches et s’indigne. Le maître lui révèle que cet attentat était organisé pour la convaincre de les rejoindre. Il a besoin d’elle et de ses compétences. Et Jasmine n’est pas au bout de ses surprises…
Alors qu’on envisage très sérieusement d’envoyer des humains sur Mars, Sylvain Runberg l’a déjà fait. Il s’inspire de ce que les anciens pratiquaient, à savoir, envoyer dans des lieux désagréables, tels que l’Australie, les gens dont on veut se débarrasser, charge à eux de rendre ces territoires habitables.
Comme dans toutes les sociétés humaines, le scénariste met en scène des clans différents aux motivations et aux buts bien distincts, si différents d’ailleurs, qu’ils se font la guerre, se circonscrivent, s’affaiblissent plutôt que s’unir. Dans ce nouveau bagne, où on casse également des cailloux (pour creuser des tunnels), il place une héroïne qui a de fortes capacités de défense et des compétences dont certains veulent se servir. Mais Sylvain Runberg, comme à son habitude, évite de belle manière une histoire linéaire.
Il propose un récit qui s’appuie sur les éléments précédents tout en le complexifiant. Il en résulte une histoire au contenu dense, intense, aux péripéties et rebondissements multiples enchaînés avec art. Mêlant science-fiction, anticipation, menées politiques, il met en scène un véritable thriller dans un décor carcéral. Il montre toutes les facettes de ce nouvel univers, la volonté de prouver de la part des autorités locales que tout va bien, déniant une réalité bien fragile. Il étoffe une galerie de personnages complexes, multiples, aux objectifs inavoués, voire inavouables…
Si le scénario est superbe, le graphisme l’est encore plus. Grun a habitué ses lecteurs à des albums fastueux comme La Conjuration d’Opale (Dargaud), Métronom’ (Glénat)… Mais avec cette mise en images, il se surpasse, imaginant la planète dans ses moindres détails, des personnages si bien campés, les équipements, les décors. Tout est étudié. Il n’hésite pas à se lancer dans des cadrages, des angles de vue audacieux pour un grand bonheur de lecture.
L’album est complété par un cahier graphique qui reproduit le carnet personnel de la prisonnière qui habitait la cellule occupée maintenant par Jasmine.
serge perraud
Sylvain Runberg (scénario) & Grun (Dessin et couleur), On Mars- t.02 : Les Solitaires, Éditions Daniel Maghen, mars 2019, 80 p. – 16,00 €.