Une belle histoire d’adolescent
Avec Hugo, Claire Gratias fait vivre, au cours d’un été dans la bourgade de Saint-Hilaire-les-Flots, une des phases de l’adolescence. Hugo lit beaucoup de littérature fantastique et il cherche à se forger une personnalité qui soit reconnue par un chef de bande. C’est le problème de ceux qui naissent avec un caractère quelque peu introverti, qui ne savent pas exprimer les sentiments qui les animent face à des “grandes gueules” ou des caractères plus expansifs.
L’amour de la lecture peut-il être un signe pour discerner un tempérament introverti ? L’un est-il la conséquence de l’autre? N’y a-t-il pas non plus une question d’ego, un ego qui ne trouve sa satisfaction que dans l’admiration des autres ? La romancière explore ainsi, par des touches légères, le quotidien d’un bourg, dressant quelques portraits emblématiques peuplant une telle structure locale.
Hugo termine sa classe de cinquième. C’est un garçon réservé qui voudrait bien attirer l’attention de Vadim, cet adolescent charismatique qu’il trouve génial. Hugo et son ami Rémy sont admis dans sa bande, mais transparents. Pendant les vacances d’été tous les jeunes de la bande sont partis. Hugo trouve l’occasion d’attirer l’attention de Vadim en lui parlant de la Porte du Diable pour laquelle il invente une légende. Il s’agit, en fait, d’une fosse dans la cave de sa maison. Ils ont la frousse quand au bord de la rivière, ils croient voir une main de noyé.
Une nuit, Hugo surprend l’étrange manège de M. Thor, un voisin. Il le voit sortir de chez lui en traînant une lourde charge, la jeter dans le puits qu’il comble avec le contenu de quelques brouettes. Parallèlement, une épidémie frappe les chiens. Vadim, qui avait agacé l’affreuse petite chienne d’une des voisines d’Hugo pourrait, selon une rumeur, être l’empoisonneur. Et c’est Mme Thor qu’il ne voit plus. Son mari explique bien qu’elle est partie chez sa sœur mais… Puis Ulysse, le labrador de Mme Thor, a disparu… Et le danger est bien là quand Hugo comprend qu’il a vu le tueur…
Hugo, avec son imagination fertile, réagit avec promptitude aux faits et événements dont il est le témoin. Et, à partir de ce qu’il a vu, de ce qu’il a cru voir, de ce qu’il suppose, il échafaude mille hypothèses qu’il étoffe, qui vont toutes dans un sens dramatique, voire criminel. La romancière met bien en lumière les sentiments ressentis par son héros, les émotions que peut vivre un adolescent. Cependant, avec l’espoir de briller aux yeux de certains, il passe à côté de la réalité et celle-ci le rattrape au cours d’une superbe conclusion.
Ce récit, servi par une écriture alerte, des dialogues pétillants, une intrigue passionnante et de nombreuses touches d’humour, offre un très agréable moment de lecture.
serge perraud
Claire Gratias, L’été où j’ai vu le tueur, Éditions du rouergue, coll. “doado noir”, janvier 2019, 208 p. – 12,80 €.