Symbole de paix une cathédrale ?
Dans cette histoire, conçue en quatre tomes, Jean-Luc Istin met en scène deux personnages principaux, des héros bien différents. L’une est devenue une tueuse. En vue d’assouvir une vengeance, anéantir celui qui a assassiné ses parents, elle a accepté d’entrer dans la Guilde des Assassins. L’autre vient d’une famille de soldats, mais découvrant les joies de la construction, il s’est fait bâtisseur.
Le scénariste dévoile peu à peu deux destins et fait partager les deux parcours, qui, à n’en pas douter, doivent finir par se rejoindre. Mais quand, où et comment ?
Entretemps, les péripéties, les dangers sont multiples tant pour l’un que pour l’autre. C’est ainsi que le scénariste fait de constants retours en arrière qui imposent une lecture attentive, car Jean-Luc Istin n’est pas avare de commentaires, de cartouches explicatifs et de dialogues.
On se rapproche de ce que proposait un des plus grands maîtres de la bande dessinée, à savoir Edgar P. Jacobs.
Les dieux, ayant assez des guerres incessantes entre les royaumes du Nord et du Sud, ont créé la grande faille pour les séparer. Une prophétie annonce l’arrivée d’un Messie, le fils de Loth et de la Grande Déesse, lorsqu’une cathédrale bâtie sur la faille permettra de relier à nouveau les deux royaumes. C’est une fournaise dans la ville d’Anselme, la capitale de la Toscann, quand Pier de la Vita et sa fille Camilia arrivent chez maître Don Coskarelli. Ils ont fait une longue route pour demander justice à la Haute Cour. Il a été spolié par le mage Ronfield qui est aussi responsable de la mort de son épouse et d’un de ses fils.
Les parents de Sinead ont été assassinés quand elle avait dix ans. Elle a été élevée et initiée par un Templier. Pour son ordre, elle est entrée en possession de l’évangile d’Ariathie. Bannie de la Guilde des Assassins, elle doit fuir. Elle part vers le sud profond. Épuisée, elle est recueillie par le druide Brahnann à Khyrion, l’une des rares villes du désert profond.
Quand Pier de la Vita peut obtenir une maigre compensation par rapport à ce qu’il souhaitait, Sinead raconte sa vie, sa formation par Seth. Mais c’est le même Seth qui, à la tête d’une immense armée, arrive…
Le scénariste crée des sociétés intéressantes dans leur conception et dans leur fonctionnement, intégrant des incontournables de l’heroic fanatsy tels que mages funestes, guerrières et guerriers intrépides, jouant avec les trahisons, les complots. Il mêle, dans cette série, l’impact d’une prophétie avec la construction d’un édifice religieux prestigieux.
Le graphisme a été confié à Sébastien Grenier. Celui-ci, qui travaille en couleurs directes, livre des planches magnifiques. Il crée des personnages uniques, des héroïnes remarquables. Il anime ses protagonistes de façon énergique, fait exprimer sentiments et émotions de façon très naturelle. Il offre des dessins raffinés, détaillés, osant des angles de vue peu communs. Il réalise des décors d’une grande beauté, des panoramiques, des double-pages fastueuses, telles celles présentant la cité de Khyrion ou celle montrant la progression de l’armée conquérante. Il semble emprunter à Philippe Noiret pour son avocat et place une jolie Catwoman quand Sinead surveille une future victime.
Avec La Guilde des Assassins, les deux auteurs donnent un second tome ébouriffant par la structure du récit et la beauté des planches.
serge perraud
Jean-Luc Istin (scénario) & Sébastien Grenier (dessin et couleurs), La Cathédrale des Abymes — t.02 : La Guilde des Assassins, Soleil, janvier 2019, 56 p. – 14,95 €.