La référence sur la Grande Guerre en un seul volume
Entre 2012 et 2016, les Éditions Perrin ont fait paraître au rythme annuel, le travail de Jean-Yves Le Naour sur la Grande Guerre. Chaque volume décrivait de façon exhaustive les événements du conflit. Ce sont ces cinq volumes qui sont réunis dans cette intégrale.
Jean-Yves Le Naour donne une vision claire, lucide des événements et des protagonistes. Avec sa connaissance encyclopédique de la période, en coordonnant nombre de sources d’informations, en les rapprochant, les synthétisant, assemblant des faits, des déclarations, des articles de presse, il donne un éclairage complet sur la clique politique, sur les États-majors et leurs guerres d’ego. Mais il n’oublie pas les acteurs du front, des officiers subalternes à l’homme de troupe, ceux qui sont à l’arrière, tant du côté français, anglais qu’allemand.
Il brosse, de tous ces intervenants, des portraits saisissants d’une grande finesse, les montrant dans leurs œuvres. Par exemple, pour Foch qui vient de se voir confier, en 1918, la coordination : “Foch en est réduit dans un premier temps à avaliser les décisions prises par Pétain et à faire du Foch, c’est-à-dire brasser de l’air et répéter les formules mariales de la défense pied à pied”. Il analyse les situations avec une acuité frappante. Ainsi, avec sa formule percutante “Le futur créant son propre passé”, il décrit le fait que chacun, lorsque la victoire est sur les rails, se congratulera de la réalisation de ce commandement unique, sans reconnaître que la paternité en revient, bien malgré lui, à Ludendorff.
Avec des éléments historiques de premier ordre, avec un art consommé de la narration, l’historien offre un récit palpitant, vivant, tendu. On ne lâche pas ce livre, se passionnant pour l’évolution des situations, pour des acteurs plus ou moins attachants dont on connaît, cependant, la destinée.
Ce diable d’historien possède un tel art du récit qu’il réussit l’exploit de transformer la relation historique en thriller, de nous faire penser, bien que la conclusion soit connue, ancrée dans les mémoires, que la fin sera différente, de nous amener à imaginer une autre conclusion.
Avec les cinq tomes de sa série, Jean-Yves Le Naour signe des récits vivants, d’une grande érudition, bref, du grand art narratif appuyé sur une documentation exhaustive.
serge perraud
Jean-Yves Le Naour, 1914–1918 L’Intégrale, Perrin, septembre 2018, 1600 p. – 35,00 €.