La vie mouvementée d’un génie à la réputation sulfureuse
Michelangelo Merini da Caravaggio, entré dans l’art pictural sous le nom du Caravage, a été très célèbre avant un exil dû à son caractère susceptible, bagarreur, impétueux.
C’est un duel où il tue Ranuccio Tomassoni, un membre d’une influente famille romaine, qui va bouleverser son destin et le jeter sur les routes de l’errance. Il n’aura de cesse d’œuvrer alors pour obtenir la grâce papale effaçant sa condamnation à mort.
Lors d’une nuit d’été de l’an 1606, non loin de Rome, une charrette arrive près d’un camp de saltimbanques. Elle amène un homme blessé, fiévreux. Celui qui conduit la charrette donne quelques écus et demande de le cacher, il est recherché par la garde pontificale. Une femme le reconnaît comme un grand artiste de Rome. La matrone qui commande le groupe envoie l’écuyère chercher de la poudre d’argent pour soigner la plaie purulente. Elle revient, au matin, accompagnée de la comtesse Colonna. Celle-ci apporte tout ce qu’il faut pour peindre et demande de lui amener les œuvres du Caravage à Naples. Il faut de nouvelles toiles pour appuyer la demande de grâce.
Quelques jours plus tard, en meilleure forme, Michelangelo Merisi peint alors Le souper à Emmaüs en prenant des saltimbanques pour modèles. Des gardes étant intervenus, la troupe part pour Naples. En chemin, il peint Marie-Madeleine en Extase, mais l’inspiration de celle-ci n’a pas de source religieuse. Il retrouve la comtesse qui négocie sa grâce par le biais d’un cardinal qui apprécie bien trop son art pour le voir mourir. Il est accueilli par Louis Finson, un peintre flamand, un de ses plus fervents admirateurs. On lui fait remarquer, alors qu’il cherche des modèles, un chevalier de Malte. Cette confrérie est plus puissante que le pape. Il veut en faire partie et part pour la Valette, à Malte…
Dans le premier tome, Milo Manara décrit l’ascension du peintre, parti de Naples pour Rome. Celui-ci ouvre des voies nouvelles dans l’art pictural avec ses clairs-obscurs si denses. Dans ce second tome, dénommé La Grâce, il raconte le parcours du Caravage de l’été 1606, quand il est blessé dans le fameux duel, jusqu’à sa mort le 18 juillet 1610 à Porto Ercole.
Bien que suivant le fil historique avec rigueur, Milo Manara ajoute quelques jolies scènes qui ont tout pour être réelles compte tenu du caractère connu du personnage. Il montre la manière dont celui-ci créait ses œuvres, donne une vision fort réaliste des galères dont l’odeur était si incommodante que les autres navires n’en voulaient pas près d’eux au mouillage.
La mise en images de Manara n’appelle pas de commentaires particuliers sinon qu’elle est égale à ce dont il régale ses lecteurs depuis des années : fantastique. Il signe des vignettes dont certaines sont des tableaux. D’ailleurs, il en représente quelques-uns du Caravage de fort belle manière. Les couleurs douces, lumineuses, sont réalisées par le duo Simona Manara et Milo Manara.
Un diptyque d’une réelle beauté qui éclaire la vie d’un des plus grands peintres, dont l’œuvre puissante et novatrice est heureusement sortie de l’oubli depuis quelques décennies.
serge perraud
Milo Manara (scénario, dessin et couleurs) & Simona Manara (couleurs) , Le Caravage – Seconde partie : La Grâce, traduit de l’italien par Aurore Schmid, Glénat, coll. “24x32”, novembre 2018, 56 p. – 14,95 €.