Ce récit est censé rendre hommage à Anne Dufourmantelle, philosophe, écrivain et psychanalyste, qui a perdu la vie en juillet 2017 pour avoir sauvé de la noyade plusieurs enfants, dont le fils de l’auteur. (Elle avait un souffle au cœur – qui a lâché après le surcroît d’efforts physiques nécessaires pour le sauvetage.)
Jean-Philippe Domecq, ami de longue date de la disparue, faisait partie des invités réunis pour passer des vacances dans la maison d’été de Dufourmantelle. Il n’a manifestement pas pu s’empêcher de tirer au plus vite un livre de l’expérience du désastre doublé d’un sauvetage quasi miraculeux. Ce qu’il nous révèle, manquant du recul nécessaire pour s’en apercevoir, c’est essentiellement un point de vue égoïste, où ses préoccupations personnelles sont constamment mises au premier plan, quand ce n’est pas l’état d’esprit de son fils.
Même les passages centrés sur Anne Dufourmantelle sont rédigés d’une manière qui témoigne de l’égotisme de l’auteur. Pour ce qui est du portrait d’une femme que Domecq a pourtant fréquentée pendant vingt ans, le texte ne nous offre rien qui nous permette de nous faire une idée assez précise et vivante d’elle ; on en vient à douter qu’il lui ait jamais accordé assez d’attention pour être capable de la représenter de façon convaincante.
Quant à la manière dont l’auteur se console (bien vite) de sa mort, en se faisant d’Anne une image de “fée“ (d’immortelle), on peut la trouver choquante, d’autant plus que Domecq manque d’empathie pour le compagnon de la défunte et pour leur fille.
On ignore ce que Frédéric Boyer a pensé de ce récit, mais au sens d’une lectrice qui n’a jamais croisé Anne Dufourmantelle, s’y pendre ainsi pour honorer sa mémoire, c’est l’offenser, et le fait que Domecq ne semble même pas s’en douter ne rend pas la chose plus excusable. Par surcroît, publié à un moment où la mort d’Anne Dufourmantelle est encore proche dans la mémoire collective, le livre a tout l’air d’une tentative de profiter de l’aura de la défunte et/ou de l’attention médiatique qu’un tel sujet peut attirer à l’auteur.
agathe de lastyns
Jean-Philippe Domecq, L’Amie, la mort, le fils, Thierry Marchaisse, septembre 2018, 128 p. – 14,50 €.