Patrice Gueniffey, Le Dix-huit Brumaire

Bona­parte s’empare du pouvoir

Le Dix-huit bru­maire, qui vit le jeune géné­ral Bona­parte s’emparer d’un pou­voir qu’il ne lâchera qu’une fois défait seize ans plus tard, consti­tue le point de départ ins­ti­tu­tion­nel de l’épopée impé­riale. Pour­tant, avant d’être cela, ce « coup d’Etat » marque la fin de la Révo­lu­tion fran­çaise com­men­cée dix ans plus tôt. On ne lit pas l’histoire par la fin. C’est à par­tir de cette évi­dence que Patrice Gue­nif­fey relit les évé­ne­ments.
Bona­parte, et à tra­vers lui l’armée et les civils qui le sou­tiennent, referme la porte sur les désordres san­glants que la prise de la Bas­tille avait ouverte, clôt la période d’instabilité chro­nique née avec la fin de la monar­chie abso­lue, sauve les fameux acquis de la Révo­lu­tion. « Lui seul, écrit Patrice Gue­nif­fey, est capable de conci­lier ces désirs contraires » : déli­vrer les Fran­çais des révo­lu­tion­naires et de la Révo­lu­tion et leur per­mettre de jouir de l’égalité civile et des biens natio­naux. La gloire, la paix et la tranquillité.

Mais pour en arri­ver là, il fal­lut d’abord pas­ser par la crise du Direc­toire, ses man­que­ments à ses propres prin­cipes, ses coups d’Etat contre les résul­tats des élec­tions jugés peu satis­fai­sants ; l’intransigeance d’un Louis XVIII encore bien éloi­gné des équi­libres de 1814 ; les défaites mili­taires que le géné­ral corse enraya ; les illu­sions de Sieyès.
Bona­parte put alors s’emparer d’un pou­voir déli­ques­cent avec un coup d’Etat sans mort ni tra­gé­die, certes plus com­pli­qué que prévu mais si facile en vérité. La com­pa­rai­son que l’auteur fait avec Mai 1958 et un autre géné­ral le conduit à voir entre les deux évé­ne­ments un point com­mun : le coup de grâce infligé à un régime moribond.

Rajou­tons qu’avec Napo­léon, les Fran­çais réa­li­sèrent leur rêve : ins­tal­ler un roi à la tête de la Révo­lu­tion. De Gaulle ne le pou­vait pas car les temps avaient changé. Il ne serait ni Monk* (1608–1670) ni Bona­parte. Contra­dic­tion abso­lue de la V Répu­blique dans laquelle se noient tous ses successeurs.

*George Monck dit Monk, 1ᵉʳ duc d’Albemarle, Géné­ral de la mer, est consi­déré comme l’homme fort sous Oli­ver Crom­well, pour qui il mène la répres­sion en Écosse, avant de chan­ger de camp et de contri­buer à la res­tau­ra­tion du roi catho­lique Charles II, non sans avoir entre­temps purgé l’armée d’une par­tie des protestants.

fre­de­ric le moal

Patrice Gue­nif­fey, Le Dix-huit Bru­maire, Gal­li­mard, Folio His­toire, 1ère édi­tion 2008, réédi­tion sep­tembre 2018, 523 p. — 9,40 €.

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