En 1898, à Genève, Luigi rencontre un homme qui ressemble à Lucifer déguisé en libertin vieillissant. Quelques jours après, il assassine la comtesse Von Hohenembs, nom sous lequel se dissimule l’impératrice Elisabeth d’Autriche. L’action se déporte à Vienne en 1904 quand le père de Max Liebermann force celui-ci à présenter Amelia, son ancienne patiente avec qui il entretient des liens amoureux, à sa mère et à toute la famille.
Oskar Rheinhardt est appelé dans un ancien atelier de fabrication de pianos où un homme est retrouvé avec une balle dans la tête, une blessure qui rend l’identification difficile, d’autant qu’on a essayé de le défigurer à l’acide. Trois chaises alignées devant le corps alertent les enquêteurs qui pensent à un tribunal. La recherche de l’identité du défunt amène les limiers dans les milieux anarchistes, vers ces groupuscules extrémistes qui prônent une société nouvelle tant dans les structures que dans les mœurs. Et le légendaire Méphistophélès est encore là qui concocte de nouvelles actions pour accomplir un idéal révolutionnaire.
Comment les deux enquêteurs pourront-ils circonscrire cet extrémiste ?
Frank Tallis remet en scène, pour le septième volet de sa série Les carnets de Max Liebermann, sa galerie de personnages campés avec une grande justesse et générant l’empathie. Il ajoute une théorie d’intervenants qui ont l’intention de changer le monde et qui s’en donnent les moyens. Il est vrai que l’empereur François-Joseph règne depuis cinquante ans et qu’il est souhaitable de mettre du sang neuf dans la direction du pays. Mais faut-il le faire au prix du sang ?
Avec Max, le romancier explore les arcanes de l’inconscient, faisant de belles avancées dans la connaissance du psychisme et dans la révélation du sens caché de certains gestes que l’on peut croire innocents comme, par exemple, se ronger les ongles. La fiancée de Max, férue de médecine, met en lumière les progrès réalisés dans ce domaine. Chaque action donne l’occasion de citer les avancées technologiques de la période. D’ailleurs, l’auteur livre, en fin de volume, nombre d’indications sur ce sujet, évoquant la commercialisation d’une machine à calculer, de l’usage des gants en caoutchouc…
Le romancier ne manque pas de faire quelques intermèdes musicaux et gastronomiques avec le duo Max et Oskar qui donne de beaux moments lyriques. Il rappelle le goût prononcé pour la pâtisserie de l’inspecteur Rheinhardt. Il est vrai que la richesse en la matière de cet art viennois est telle que l’eau vient à la bouche rien qu’avec ces évocations. L ’intrigue est structurée de belle manière par un maître en la matière et la tension croît jusqu’à un dénouement sur le fil.
Frank Tallis fait revivre avec talent ce début du XXe siècle à Vienne, avec ses fastes mais avec ses zones sombres et livre une histoire passionnante autour d’une intrigue mettant en lumière les grands faits sociaux, les soubresauts d’une époque.
serge perraud
Frank Tallis, La Valse de Méphisto – Les carnets de Max Liebermann (Mephisto Waltz), traduit de l’anglais par Hélène Prouteau, Éditions 10/18, coll. “Grands Détectives” n° 5302, mars 2018, 360 p. – 8,40 €.