La manipulation des populations
Ce nouveau tome débute le jeudi 1er mars 2001, au premier jour du procès de Joshua Logan.. En voix off, le District Attorney Garvey développe les faits établis par la police criminelle de New York en trois ans et demi d’enquête. Il détaille les raisons et les motivations qui ont poussé l’accusé à ce meurtre de masse, à l’assassinat de 508 personnes alors que les images montrent maître Chapelle qui va chercher Logan dans sa cellule et l’amène au tribunal. Puis, dans la salle d’audience, les séquences montrent l’attorney qui se fait fort d’apporter les preuves de la culpabilité à partir de son désir de se venger de Jessica Ruppert et de ses idées qu’elle veut mettre en pratique comme maire de New York.
L’action se déplace dans l’appartement de Domenico Coracci où Lucy Bulmer prépare du popcorn pendant qu’il suit le procès retransmis par CNN. Soudain des policiers font irruption et l’accuse de viol sur mineur sur plainte de la ville, Lucy étant pupille de la cité. C’est surtout pour sa proximité avec Angelo Frazzy, en tant que chef de la sécurité du Prince, qu’il est emprisonné. Mais le mafieux court toujours dans la nature.
Le procès à l’américaine se déroule avec ses rebondissements, avec l’audition de nouveaux et importants témoins jusqu’à un coup de théâtre qui bouleverse nombre de données…
Sur une idée originale du droit à l’autodéfense, revendiqué par une association dénommée Le Pouvoir des innocents, le scénariste explore tous les points de vue, tous les aspects, toutes les dérives, tous les éclairages qui peuvent découler d’une telle situation. On ne dira jamais assez la virtuosité de ce scénario, l’art de Luc Brunschwig de jouer avec toutes les facettes de ses personnages, de mettre en scène toutes les possibilités offertes par les actions, par l’exploration du langage et des sens différentes des mots, des attitudes. Il mène son histoire avec un professionnalisme rare.
Certes, le premier album est paru en juin 1992. Il s’est passé deux cycles. Aussi il ne faut pas hésiter à revenir, à relire l’histoire pour mesurer toute l’adresse dont fait preuve le scénariste, assemblant les éléments, les données, les faits posés en 26 ans dans les différents tomes de la saga. Tout part d’un complot que Steven Providence, le champion du monde de boxe avait imaginé pour porter madame Jessica Ruppert à la victoire aux élections municipales de novembre 1997.
Le scénariste montre comment se joue la manipulation des populations, comment les services de la police, usant de la voix de médias complaisants, imposent l’idée qu’il ne peut y avoir un autre coupable que Logan. Joshua, vétéran des forces spéciales opérant, entre autres, au Vietnam voit ses états de service se retourner contre lui. Mais, outre le procès, le scénariste propose des intrigues parallèles avec des personnages tels qu’Angela Frazzi, le mafieux en fuite, Lucy la jeune militante, Domenico un proche du mafieux, le président Whitaker et son élection truquée…
Luc Brunschwig boucle son second cycle d’une remarquable manière, introduisant les divers éléments constitutifs de son intrigue avec des événements historiques fameux. Laurent Hirn reste fidèle à lui-même et offre un graphisme sans faute, dynamique, d’une grande beauté et d’une belle efficacité. On ne se lasse pas de regarder ses planches si riches en détails. Il a été aidé par Annelise Sauvêtre qui a assuré le dessin de décors.
Cette conclusion ouvre de vastes horizons et tous les lecteurs attendent le début d’un nouveau cycle qui sera, à n’en pas douter, encore plus attractif.
serge perraud
Luc Brunschwig (scénario), Laurent Hirn (dessin et couleurs) & Annelise Sauvêtre (décors), Le Pouvoir des innocents – Cycle II : Car l’enfer est ici, t.5 — 11 septembre, Futuropolis, juin 2018, 80 p. – 17,00 €.