Didier Convard,Michelangelo et Le Banquet des Damnés

Un thril­ler éso­té­rique dans le Naples de 1508

Le récit s’ouvre sur l’exécution de Yoha­nan le Bap­tiste, sur la cour du Tétrarque Hérode où s’est décidé cet assas­si­nat. Deux femmes, deux sœurs, fouillent dans un char­nier, trouvent la tête du pro­phète et l’emportent. À Milan, en 1508, le pré­vôt Vit­tore va fêter son cinquante-septième anni­ver­saire. Il décide qu’il est temps de prendre femme et l’annonce à Menanzzo, son lieu­te­nant. Dans le même temps, ils sont aver­tis de la décou­verte d’une tête déca­pi­tée dans le bap­tis­tère de la cathé­drale. Elle est posée sur un pla­teau d’argent où est gravé : Venit Sol Jus­ti­tiae (Le soleil de jus­tice a brillé). Mgr Arte­menti, l’évêque de Milan, arrivé sur les lieux explique que ces quelques mots ont été pro­non­cés par Ambroise lors du bap­tême de saint Augus­tin, dans ce lieu même, lors de la nuit de Pâques de l’an 387. Puis, qu’il a retrouvé une lettre, par­tiel­le­ment recons­ti­tuée, où le fils d’Augustin relate que son père a reçu, ce jour-là, la mis­sion de pro­té­ger la Sainte Tête de Yoha­nan avec l’aide des Filles de Jus­tice.
La tête est vite iden­ti­fiée quand on trouve, dans son jar­din, le corps déca­pité de Liviano Mag­giore, un archi­tecte nou­vel­le­ment ins­tallé à Milan pour effec­tuer un chan­tier à l’abbaye de Mori­mondo. Fosca, sa veuve, une très belle femme, trouble le pré­vôt. Dans un lieu secret, Bapho­met tor­ture un indi­vidu qui finit déca­pité. Sa tête est pla­cée entre les jambes de l’épouse assas­si­née de Menanzzo. Le pré­vôt, malade du cœur, lutte entre la vie et la mort soi­gné chez Fosca Mag­giore. Or, celle-ci a pour amant Miche­lan­gelo qui a quitté Rome et la Cha­pelle Sixte, pour arri­ver précipitamment…

Didier Convard reprend l’enquêteur, et son équipe, qui a œuvré dans Vinci et l’ange brisé, (Fayard – 2010) où il met­tait en scène Léo­nard de Vinci dans une somp­tueuse intrigue liée à la Joconde. Cette intrigue avait été mise en image de façon magis­trale, en deux albums par Gilles Chaillet. (Glé­nat – 2008/2009). Dans le pré­sent roman, il met en scène Miche­lan­gelo qui a déjà com­mencé la déco­ra­tion de la cha­pelle sous la férule dic­ta­to­riale du pape Jules II. L’auteur dresse de ce der­nier un por­trait peu flat­teur, le fai­sant décrire par le sculp­teur comme un men­teur, un tri­cheur, un affa­bu­la­teur. Mais le rôle prin­ci­pal est dévolu à Vit­tore, le pré­vôt, un enquê­teur brillant, autant pour les intrigues où il est plongé, que pour sa façon de mener des inves­ti­ga­tions. Il agit à la manière de Sher­lock Holmes pour la traque des indices, à la façon des Experts pour l’exploration de la scène de crime…
Si Convard anime un enquê­teur hors pair, il lui donne son pen­dant avec Bapho­met, un superbe « méchant », un per­son­nage aussi redou­table et insai­sis­sable que les meilleurs Fan­tô­mas, Moriarty… Jean Le Bap­tiste prend une large place dans le récit, bien qu’il ait vécu à une autre époque. L’auteur se laisse aller à expri­mer des hypo­thèses inté­res­santes sur la réa­lité du per­son­nage, sa posi­tion par rap­port à Jésus, celui retenu par l’Église pour être le Christ.

Didier Convard pro­pose une his­toire riche en per­son­nages, des pro­ta­go­nistes qu’il prend le temps de construire, et aux­quels il donne un pro­fil phy­sique et psy­cho­lo­gique détaillé. L’intrigue s’appuie sur de nom­breuses bases éso­té­riques mul­ti­pliant les cénacles, les fac­tions, les dis­si­dences. Le roman­cier  n’hésite pas à recou­rir au mer­veilleux quand cela s’avère néces­saire pour le déblo­cage de situa­tions de son his­toire. Il porte un regard dénué de com­plai­sance sur les dogmes édic­tés par l’Église romaine et la consti­tu­tion du socle des croyances. L’écriture est fluide, le voca­bu­laire est relevé, l’auteur fai­sant preuve d’une connais­sance appro­fon­die de la langue fran­çaise. On a, tou­te­fois, le sen­ti­ment qu’il pour­rait être plus concis dans des des­crip­tions, pro­po­ser des dia­logues plus ser­rés et évi­ter de ser­vir de larges para­graphes en pur latin comme la quasi res­ti­tu­tion inté­grale du Confi­teor Deo.
Mais le roman­cier pos­sède son sujet, jongle avec les concepts, les don­nées his­to­riques, les élé­ments mys­té­rieux pour main­te­nir, avec brio, une intrigue dyna­mique en ten­sion, et fait revivre quelques per­son­nages authentiques.

serge per­raud

Didier Convard, Miche­lan­gelo et Le Ban­quet des Dam­nés, Fayard, coll « Thril­ler », octobre 2012, 464 p. – 22,00 €.

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