Robyn Harding, L’Anniversaire

… comme point de départ d’une des­cente aux enfers !

Robyn Har­ding, roman­cière, scé­na­riste, a publié quatre romans, un livre pour jeunes adultes et un ouvrage humo­ris­tique. L’Anniversaire est son pre­mier roman tra­duit en fran­çais.
Han­nah San­ders fête ses 16 ans. Sa vie a changé du tout au tout depuis deux mois, depuis que Noah s’est inté­ressé à elle et lui a ouvert la “cama­ra­de­rie” de deux filles bien plus délu­rées : Ronni Mon­roe et Lau­ren Ross. Cette der­nière avait été sa meilleure amie en pri­maire. Han­nah a pour parents Kim et Jeff, mariés depuis dix-huit ans, res­pec­ti­ve­ment âgés de 46 et 48 ans. Elle a un jeune frère, Aidan, de 13 ans. Si Jeff, qui est vice-président du sec­teur stra­té­gie de son entre­prise, est très mobi­lisé par son tra­vail et son entrai­ne­ment au tri­ath­lon, Kim est une mère omni­pré­sente à la mai­son pour l’éducation de ses enfants. Elle exerce bien une acti­vité de rédac­trice publi­ci­taire free-lance, pour ne pas perdre la main et flirt gen­ti­ment avec un gra­phiste. Ils habitent dans Potrero Hill à San Fran­cisco, la pente nord tant convoitée.

Han­nah a invité quelques amies, mais comme le recom­mande Kim : “Alcool, drogue et por­no­gra­phie sont stric­te­ment inter­dits… Pas de ciga­rettes évi­de­ment.” Pour dor­mir et ne pas être déran­gée par la fête qui se déroule au sous-sol, la mère  a mis des boules Quiès dans ses oreilles et pris un som­ni­fère. Sou­dain, elle est réveillée par sa fille.
Celle-ci est au pied du lit, affo­lée, ensan­glan­tée. Se pré­ci­pi­tant avec Jeff, ils découvrent que Ronni, qui a trop bu, a vomi. Mais est tom­bée et s’est éclaté la tête sur une table basse en verre. Si sa vie n’est pas en dan­ger, son œil est dans un très mau­vais état. Com­mence alors une des­cente aux enfers pour toute la famille Sanders…

À par­tir d’un évé­ne­ment bien ordi­naire comme une fête d’anniversaire entre ado­les­centes, la roman­cière engage un récit sur les failles des rap­ports humains, sur les non-dits, sur les secrets des couples et sur la fra­gi­lité de rela­tions ami­cales face à la pers­pec­tive de pro­fits finan­ciers. Elle décrit cette société nord-américaine où l’argent roi est le seul repère. Et elle n’épargne guère ses per­son­nages quels qu’ils soient.
Elle dis­sèque les rap­ports entre les ado­les­cents quand s’ouvre le temps de la séduc­tion, quand les uns et les autres testent leurs pou­voirs de char­mer, leur capa­cité d’attirer l’attention et de plaire. C’est aussi la décou­verte de l’univers des sen­ti­ments amou­reux. Ce sont des sen­ti­ments simi­laires à ceux qui conduisent les adultes et placent ceux-ci dans des situa­tions pas tou­jours faciles à gérer.

L’auteur évoque la pres­sion pro­fes­sion­nelle, l’usure dans le couple, le manque d’attention, la las­si­tude et puis le res­sen­ti­ment quand l’autre a dévié. Ainsi, Kim, qui res­sent cepen­dant un atta­che­ment pour son mari, lui reproche un inci­dent qui s’est pro­duit l’an der­nier et qui pèse sur la séré­nité de leurs rela­tions. Mais c’est aussi un por­trait sans conces­sions d’un mode de vie où tout est basé sur les signes exté­rieurs de réus­site. Elle dépeint les tra­vers qu’engendre cette obses­sion, que ce soit dans le domaine pro­fes­sion­nel bien sûr, mais aussi dans le domaines fami­lial, dans l’éducation des enfants. Par ailleurs, elle fait jouer la pos­ses­sion de l’argent et la néces­sité de s’en pro­cu­rer par tous les moyens, même les moins élé­gants.
Avec cet échan­tillon d’une classe sociale favo­ri­sée, d’une famille qui pré­sente une façade unie et… heu­reuse, la roman­cière dévoile l’envers du décor, un côté jar­din qui va vite deve­nir un champ de ruines.

Autour des consé­quences d’un acci­dent dans un tel milieu, Robyn Har­ding construit un thril­ler d’une grande effi­ca­cité, joue avec nombre d’éléments psy­cho­lo­giques et enchaîne les péri­pé­ties, fait mon­ter la ten­sion jusqu’à un niveau sou­tenu avec des per­son­nages tour à tour atta­chants et détestables.

serge per­raud

Robyn Har­ding, L’Anniversaire (The Party), tra­duit de l’anglais (Canada) par Élo­die Leplat, cherche midi, coll. “Thril­ler”, mai 2018, 368 p. – 21,00 €.

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Filed under Pôle noir / Thriller

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