Une fois encore l’Office est mobilisé pour sauver des enfants victimes de prédateurs sexuels et d’infanticides. Sous couvert de défilés de mode, de jeunes gamines concourent pour des titres de Miss n’importe quoi. On les déguise en femmes et on leur fait prendre des poses suggestives.
La frontière est mince entre une présentation de candidates et un catalogue de proies faciles avec le consentement tacite des mères. Internet se révèle comme un superbe support pour ce type de crimes avec la quasi impossibilité de localiser les prédateurs, les frontières n’existant plus, l’impunité garantie par un anonymat.
La romancière appuie toujours ses récits sur des décors crédibles. Elle retient, ici, le zoo de Paris-Vincennes et le parc animalier de Thoiry. Elle a pu visiter ce dernier, entrer dans les coulisses, rencontrer ceux qui y œuvrent au quotidien et s’en inspirer pour habiller de belle manière son intrigue. Intégrant le parc animalier réputé pour ses fauves, Danielle Thiéry joue sur un rapprochement entre ceux-ci et les hommes, laissant au lecteur le choix du plus féroce des deux. S’il tue, le lion ne le fait pas pour satisfaire des besoins sexuels corrompus, déréglés, mais pour se nourrir.
Un prédateur suit une jeune proie. Elle est à lui. Il la veut.
Un mois et demi plus tard, le 14 novembre, Valentine Cara, chef du groupe des mineurs au sein de l’OCRVP, est alerté par Grégory Fix. Il a repéré un nouveau site, petitesmiss.com où des gamines prennent des poses suggestives. Valentine secoue Jessica Manière, une brigadière nouvellement affectée, qui se demande où elle est tombée et qui a l’air de s’ennuyer.
Edwige Marion fait irruption déclarant que Louis Zénard, son adjoint et Alix de Clavery les rejoignent pour une nouvelle affaire. Au Parc zoologique de Vincennes des ossements humains ont été découverts, ceux de deux corps sans tête. Il s’agirait d’une femme très jeune et d’un enfant entre cinq et huit ans.
Avant de se rendre sur les lieux, l’attention d’Alix a été attirée par une alerte. Un bref article, sur Le Parisien, relate un incident à Thoiry, vers l’enclos des lions. La date coïncide avec la disparition, il y a six ans, de la petite Swan Blixen au Parc animalier le 12 novembre 2011. Cette affaire la hante depuis car elle s’est fait une spécialité des atteintes gravissimes à l’enfance. Avec la découverte de Vincennes, elle pense avoir retrouvé Swan. Elle en fait part à son amie Mathilde lorsqu’elles dînent ensemble. Cependant, Alix est très mal à l’aise car, quelques tables plus loin, Zénard est avec Jessica, sa subordonnée, qu’il espère bien mettre dans son lit. Grâce à Mathilde, Alix remonte jusqu’à l’auteur de l’entrefilet, un certain Frédéric Praguet qui milite à Animalia, une association contre l’enfermement animal. La rencontre est difficile et l’homme est singulier.
Puis, Louis Zénard est retrouvé dans une voiture de l’Office, inconscient et les mains en sang. Jessica est absente du service. Personne ne sait où elle est.
Marion, qui souffre de maux de tête est en consultation, contre son gré. Elle reçoit, sur son téléphone, la photo d’une femme, le visage défiguré. Qui est cette femme ? Est-ce l’œuvre de Zénard dont la main gauche est fracturée à plusieurs endroits ?
Et le prédateur frappe à nouveau…
La romancière conçoit une intrigue resserrée où les péripéties s’enchaînent sans temps morts avec une tension de plus en plus vive. Elle mêle à ces enquêtes, dont personne ne sort indemne, l’histoire de ses personnages, leur vie quotidienne, leurs amours, leurs tentations, leurs problèmes. Tout se mêle pour compliquer la vie professionnelle, les préoccupations personnelles prenant le pas sur l’attention à porter aux affaires dont ils ont la charge.
Ce sont également les séparations, la débandade dans la vie personnelle d’Edwige. Dans ce volet, la romancière n’épargne pas son héroïne, lui faisant vivre des problèmes de santé consécutifs à une vie heurtée et à une balle reçue dans une embuscade, il y a cinq ans.
Avec Féroce, Danielle Thiéry signe un récit rude, solide, cruel, d’une grande intensité, où les sentiments et les émotions sont mis à rude épreuve. C’est un livre coup de poing et un hommage à ces petits groupes d’individus qui, vaille que vaille, tentent de préserver des gens, de les protéger. Chapeau bas, Madame Thiéry !
serge perraud
Danielle Thiéry, Féroce, Flammarion, mars 2018, 544 p. – 20,00 €.