Peu connu du grand public, Choiseul joua un rôle pourtant déterminant durant le règne de Louis XV en tant que « principal ministre » même s’il n’en eut jamais le titre. On découvre donc, en lisant la dense biographie que Monique Cottret lui consacre, un personnage d’une grande puissance, avec un véritable projet politique et une vision sur le long terme, mais aussi un politicien retors et habile, parvenu au sommet du pouvoir grâce à des capacités manœuvrières hors pair et une connaissance approfondie des rapports de force curiaux.
Deux points méritent d’être relevés :
Le premier concerne la politique étrangère de Choiseul dont le nom finit par se confondre avec ce retournement d’alliances majeur que constitua l’alliance conclue avec l’Autriche. Il en hérita, chercha à l’encadrer et l’incarna aussi bien à Versailles qu’à Vienne. Mais Choiseul fut davantage l’homme de la guerre contre l’Angleterre : il avait perçu le caractère mondial du conflit qui désormais l’opposait à la France.
Le second, lié au premier, concerne les relations avec les rois. Monique Cottret, non sans raison, les compare à celles unissant Louis XIII et Richelieu dans le sens où la confiance royale n’est jamais acquise définitivement. Cette fois-ci, il y eut disgrâce que Choiseul ne digéra jamais et l’auteur met en avant des divergences de politique étrangère et les intrigues de Cour. L’exilé vitupéra alors le roi et mit ainsi sa pierre à l’édifice de la déconstruction de la sacralité royale.
Ces deux points n’épuisent pas la richesse du livre qui s’arrête beaucoup sur la politique intérieure dominée par la question des Parlements, du jansénisme et des jésuites. L’auteur replace Choiseul dans son temps, qui est celui d’une certaine légèreté et de la lente fragilisation de l’Ancien Régime. Il eut le temps de voir la revanche que constitua la guerre d’indépendance des Etats-Unis – même s’il ne croyait pas à une alliance entre une république et une monarchie – mais mourut avant le grand cataclysme.
Bref, un homme du règne de Louis XV.
frederic le moal
Monique Cottret, Choiseul. L’obsession du pouvoir, Tallandier, mars 2018, 509 p. — 24,90 €.