Sébastien Lepetit, Merde à Vauban

Un superbe polar régional 

Fabien Mon­ceau est un pur Pari­sien fraî­che­ment sorti de Cannes-Écluse, l’École natio­nale supé­rieure des offi­ciers de police. Même dans ses pires cau­che­mars, il n’aurait jamais pensé être affecté, pour son pre­mier poste, à… Besan­çon. Il fait équipe avec Bruno Mor­teau, un com­mis­saire blan­chi sous le har­nais qui a des habi­tudes de bon, de très bon vivant. Fabien vit sa muta­tion comme une peine alors que Bruno a tout fait pour ne jamais quit­ter la ville.
Émi­lie Nan­cray et Guillaume Mal­buis­son, tous deux thé­sards, viennent de rompre. Elle n’en pou­vait plus de por­ter un com­pa­gnon dépres­sif, déçu de ne pas avoir été élu au poste de maître de confé­rences, poste dont il assure, cepen­dant, les cours depuis cinq ans. La faute au pro­fes­seur Pierre-Jean Mont­fort qui a déva­lo­risé sa thèse et fait élire sa maî­tresse. En tant qu’adjoint à la culture et dans la cadre de la can­di­da­ture de la ville au clas­se­ment de l’Unesco, Mont­fort donne une confé­rence à la Cita­delle. Émi­lie s’y rend pour ten­ter de ren­con­trer le pro­fes­seur et le convaincre d’être son direc­teur de recherches, lui le plus émi­nent spé­cia­liste de Vau­ban. Mais, quand elle veut l’aborder, il n’est plus là.
Le len­de­main, Bruno et Fabien doivent consta­ter le sui­cide de Mont­fort dont le corps a été retrouvé au pied de la for­te­resse. Des indices trou­blants les poussent à plus d’investigations. C’est ainsi qu’ils découvrent près de l’endroit d’où le notable a chuté, écrit en grosses lettres à la craie : MERDEVAUBAN.
Ils com­mencent une enquête qui révèlent la face noire, très noire du per­son­nage, son égo sur­di­men­sionné, ses ini­mi­tiés tant à la faculté qu’au sein du conseil muni­ci­pal. Parmi ses oppo­sants se dis­tingue Patrice Bel­le­herbe, un pro­fes­seur de sport. Or, quelques jours après, ce spor­tif est retrouvé noyé dans le Doubs. Sous le pont Bat­tant, tracé à la craie, les deux enquê­teurs trouvent : MERDE À VAUBAN. Qui s’en prend ainsi aux por­teurs de la can­di­da­ture de la ville ? Et si les sus­pects ne manquent pas, les cadavres non plus…

Besan­çon reste, au regard de nombre de Fran­çais, une ville de gar­ni­son qui n’a rien de bien attrayant. Bien qu’originaire d’une autre région, son long séjour dans la capi­tale franc-comtoise a séduit Sébas­tien Lepe­tit et four­nit un bel écrin à son intrigue. Il appuie celle-ci sur une des spé­ci­fi­ci­tés de la ville et sur la can­di­da­ture de cette der­nière pour le clas­se­ment de la Cita­delle, construite par Vau­ban, au patri­moine mon­dial de l’UNESCO.
Si la com­po­si­tion du couple de poli­ciers reste clas­sique avec un jeune débu­tant et un vieux bris­card, les carac­tères et les pro­fils sont inté­res­sants et sortent de l’ordinaire. L’opposition de l’un, très à che­val sur le règle­ment, et de l’autre plus libre avec les contraintes admi­nis­tra­tives donne des situa­tions déli­cieuses. Mais les per­son­nages secon­daires aussi sont par­ti­cu­liè­re­ment étu­diés. Il en est ainsi de ce pro­fes­seur de faculté à la per­son­na­lité écra­sante qui méprise tout le monde et qui n’apprécie que les faire-valoir.

Le roman­cier décrit éga­le­ment tout un monde de “petites gens”, de ceux que l’on croise sans les remar­quer, comme eux le font d’ailleurs des autres. Il met en scène une res­tau­ra­trice, des étu­diantes, un ancien fac­teur, la com­mer­çante d’une petite bou­tique… Ceux-ci croisent le che­min des poli­ciers qui mènent une enquête dif­fi­cile, de type clas­sique, sans bagarres, sans com­bats à l’arme lourde ni “charges de cava­le­rie”. Cepen­dant, le roman­cier construit une intrigue habile avec un lot consé­quent de péri­pé­ties et de rebon­dis­se­ments.
Ce récit pas­sion­nant avec ces per­son­nages atta­chants est riche de toute la convi­via­lité due à la bonne chère, à l’appréciation des meilleurs pro­duits régio­naux. De plus,Sébastien Lepe­tit  met la ville de Besan­çon au cœur de son récit, la décrit avec un regard per­çant, apporte nombre de com­plé­ments his­to­riques qui donnent envie de s’attacher aux pas de ce com­mis­saire. Sous des dehors un peu bruts, il cache une finesse de déduc­tion qui convien­drait à nombre de ces indi­vi­dus qui se targuent d’intelligence.

Si le titre est tout à fait en adé­qua­tion avec le contenu du récit de Sébas­tien Lepe­tit, on ne peut s’empêcher de le rap­pro­cher de celui d’une magni­fique chan­son de Léo ferré. Si celle-ci peint une autre réa­lité, un sub­til rap­pro­che­ment est cepen­dant envi­sa­geable. Ce roman a été publié une pre­mière fois en 2013 par Les Nou­veaux Édi­teurs. Il a reçu, en son temps, le Prix VSD du Polar dans la caté­go­rie Coup de Cœur des lec­teurs. Il a été réédité en avril 2017 par Fla­mant Noir Édi­tions.
Si l’on veut pas­ser un très agréable moment de lec­ture, il ne faut pas hési­ter à entrer dans le monde de Sébas­tien Lepe­tit qui conjugue avec brio intrigue sub­tile, art de vivre et visites tou­ris­tiques et gastronomiques.

serge per­raud

Sébas­tien Lepe­tit, Merde à Vau­ban, Fla­mant Noir Édi­tions, avril 2017, 400 p. – 19,50 €.

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Filed under Pôle noir / Thriller

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