Fabien Monceau est un pur Parisien fraîchement sorti de Cannes-Écluse, l’École nationale supérieure des officiers de police. Même dans ses pires cauchemars, il n’aurait jamais pensé être affecté, pour son premier poste, à… Besançon. Il fait équipe avec Bruno Morteau, un commissaire blanchi sous le harnais qui a des habitudes de bon, de très bon vivant. Fabien vit sa mutation comme une peine alors que Bruno a tout fait pour ne jamais quitter la ville.
Émilie Nancray et Guillaume Malbuisson, tous deux thésards, viennent de rompre. Elle n’en pouvait plus de porter un compagnon dépressif, déçu de ne pas avoir été élu au poste de maître de conférences, poste dont il assure, cependant, les cours depuis cinq ans. La faute au professeur Pierre-Jean Montfort qui a dévalorisé sa thèse et fait élire sa maîtresse. En tant qu’adjoint à la culture et dans la cadre de la candidature de la ville au classement de l’Unesco, Montfort donne une conférence à la Citadelle. Émilie s’y rend pour tenter de rencontrer le professeur et le convaincre d’être son directeur de recherches, lui le plus éminent spécialiste de Vauban. Mais, quand elle veut l’aborder, il n’est plus là.
Le lendemain, Bruno et Fabien doivent constater le suicide de Montfort dont le corps a été retrouvé au pied de la forteresse. Des indices troublants les poussent à plus d’investigations. C’est ainsi qu’ils découvrent près de l’endroit d’où le notable a chuté, écrit en grosses lettres à la craie : MERDE A VAUBAN.
Ils commencent une enquête qui révèlent la face noire, très noire du personnage, son égo surdimensionné, ses inimitiés tant à la faculté qu’au sein du conseil municipal. Parmi ses opposants se distingue Patrice Belleherbe, un professeur de sport. Or, quelques jours après, ce sportif est retrouvé noyé dans le Doubs. Sous le pont Battant, tracé à la craie, les deux enquêteurs trouvent : MERDE À VAUBAN. Qui s’en prend ainsi aux porteurs de la candidature de la ville ? Et si les suspects ne manquent pas, les cadavres non plus…
Besançon reste, au regard de nombre de Français, une ville de garnison qui n’a rien de bien attrayant. Bien qu’originaire d’une autre région, son long séjour dans la capitale franc-comtoise a séduit Sébastien Lepetit et fournit un bel écrin à son intrigue. Il appuie celle-ci sur une des spécificités de la ville et sur la candidature de cette dernière pour le classement de la Citadelle, construite par Vauban, au patrimoine mondial de l’UNESCO.
Si la composition du couple de policiers reste classique avec un jeune débutant et un vieux briscard, les caractères et les profils sont intéressants et sortent de l’ordinaire. L’opposition de l’un, très à cheval sur le règlement, et de l’autre plus libre avec les contraintes administratives donne des situations délicieuses. Mais les personnages secondaires aussi sont particulièrement étudiés. Il en est ainsi de ce professeur de faculté à la personnalité écrasante qui méprise tout le monde et qui n’apprécie que les faire-valoir.
Le romancier décrit également tout un monde de “petites gens”, de ceux que l’on croise sans les remarquer, comme eux le font d’ailleurs des autres. Il met en scène une restauratrice, des étudiantes, un ancien facteur, la commerçante d’une petite boutique… Ceux-ci croisent le chemin des policiers qui mènent une enquête difficile, de type classique, sans bagarres, sans combats à l’arme lourde ni “charges de cavalerie”. Cependant, le romancier construit une intrigue habile avec un lot conséquent de péripéties et de rebondissements.
Ce récit passionnant avec ces personnages attachants est riche de toute la convivialité due à la bonne chère, à l’appréciation des meilleurs produits régionaux. De plus,Sébastien Lepetit met la ville de Besançon au cœur de son récit, la décrit avec un regard perçant, apporte nombre de compléments historiques qui donnent envie de s’attacher aux pas de ce commissaire. Sous des dehors un peu bruts, il cache une finesse de déduction qui conviendrait à nombre de ces individus qui se targuent d’intelligence.
Si le titre est tout à fait en adéquation avec le contenu du récit de Sébastien Lepetit, on ne peut s’empêcher de le rapprocher de celui d’une magnifique chanson de Léo ferré. Si celle-ci peint une autre réalité, un subtil rapprochement est cependant envisageable. Ce roman a été publié une première fois en 2013 par Les Nouveaux Éditeurs. Il a reçu, en son temps, le Prix VSD du Polar dans la catégorie Coup de Cœur des lecteurs. Il a été réédité en avril 2017 par Flamant Noir Éditions.
Si l’on veut passer un très agréable moment de lecture, il ne faut pas hésiter à entrer dans le monde de Sébastien Lepetit qui conjugue avec brio intrigue subtile, art de vivre et visites touristiques et gastronomiques.
serge perraud
Sébastien Lepetit, Merde à Vauban, Flamant Noir Éditions, avril 2017, 400 p. – 19,50 €.