Jess reprend conscience étendue sur le carrelage de la cuisine. L’inspectrice Jacobs lui parle. Mais Jess n’a aucun souvenir de ce qui a pu se passer entre dix-neuf heures et deux heures du matin, heure à laquelle sa sœur et son beau-frère sont rentrés de la soirée du Nouvel-an. Soudain, la réalité la rattrape. Sa petite nièce Daisy, dont elle avait la garde, a disparu.
Emily, effondrée, se remémore les derniers mois, depuis qu’elle a retrouvé sa sœur cadette à l’enterrement de leur mère, une sœur qui avait disparu depuis …seize ans ! Elle lui a proposé d’habiter chez eux et, puisqu’elle a déclaré avoir l’expérience, de s’occuper de leur petite fille de quelques mois. Emily est mariée à James, un veuf père de Chloe, une adolescente de quinze ans.
Jessica perd souvent la notion du temps. Elle est sujette à des syncopes vasovagales. Avant de partir en soirée, James lui a offert, discrètement, un verre de vin. Mais, dans la soirée, elle a fini la bouteille. Entendue par la police, Jess retrouve des bribes de mémoire et pense se souvenir d’un bruit de verre…
L’inspectrice Jacobs relève de plus en plus d’incohérences dans les récits des uns et des autres. Qu’est devenue Daisy ? Est-elle encore en vie ? Qui a pu l’enlever ? Qui, sur cette île, aurait pu en vouloir à ce bébé ? Mais, à travers cet enlèvement, qui est visé ?
La progression de l’intrigue ne se fait, dans une première partie, qu’à travers le récit de deux protagonistes du drame qui sont Jess et Emily. Ce sont elles qui racontent les événements présents, les faits et qui, peu à peu, remontent dans leur passé, retrouvant des situations sources de malaises, de conflits, de rancœurs… Puis, la romancière fait croître la perplexité en introduisant le témoignage d’une troisième narratrice qui éclaire des non-dits des deux sœurs.
Avec des chapitres courts et denses, des allers-retours fréquents dans le passé, Isabel Ashdown fait prendre conscience de la complexité des relations entre les différents acteurs du drame. Elle révèle des événements générateurs de sentiments les plus divers, donnant, cependant, la vedette à la jalousie. La jalousie entre les deux soeurs, un malaise qui remonte au moment où les premiers symptômes de la maladie de Jess apparaissent. L’aînée n’est plus le centre de l’attention de leurs parents et décide de mettre un peu d’ombre dans la lumière. La jalousie envers James qui semble être la coqueluche de nombre des amies d’Emily. Elle ressent ce même sentiment vis-à-vis de Chloe, cette adolescente qu’elle ne sait pas aborder et qui s’entend si bien avec Jess…
Avec Juste avant la nuit, paru en 2017 sous le titre de Little Sister au Royaume-Uni, Isabel Ashdown propose son cinquième roman, le premier publié en France. Elle fait preuve d’humour en dédiant ce livre, qui raconte les difficiles relations entre les deux filles, à : “…ma sœur Bec, avec amour.”
Conjuguant avec brio un huis-clos, des secrets de famille, des passés troubles car personne n’est épargné, des crises de jalousies plus ou moins anciennes, de ces non-dits qui empoisonnent les relations, une adolescente au comportement ambigu, une longue absence inexpliquée, Isabel Ashdown tisse un suspense fort, une mise en tension croissante jusqu’à une chute superbement amenée.
serge perraud
Isabel Ashdown, Juste avant la nuit (Little Sister), traduit de l’anglais par Florianne Vidal, cherche midi, coll. “Thriller”, mars 2018, 368 p. – 21,00 €.