Tyler Cross, un gangster, a échoué dans la mission confiée par un vieux mafieux, une mission qui semblait facile mais qui a dérapé à Black Rock, un bled. Enfermé dans Angola, la plus grande prison de haute-sécurité des États-Unis, il s’évade pour rester en vie. Les mafieux qui le pourchassent assassinent sa compagne dans sa maison de Tempico.
Traqué, il arrive à Miami pour récupérer les 72 000 dollars qu’il a confiés à son avocat Sid Kabilkoff. Ce dernier, sous la menace, a donné l’adresse de la planque et le croyant mort a investi l’argent dans une combine immobilière. Pour négocier sa survie, Sid lui propose une affaire juteuse, récupérer un pot-de-vin de 700 000 dollars que le promoteur immobilier a réuni pour acheter une île. Cet argent ne sera pas réclamé s’il est volé. Tyler a besoin de ressources et il pourra toujours tuer Sid plus tard…
L’action se déroule vers la fin des années 1950 aux USA. Tyler est le digne héritier de ces voyous ou de ces détectives mis en scène dans les Hard Boiled qui ont vu le jour dans les années 1920, mais qui ont connu un essor phénoménal après la Seconde Guerre mondiale. Ce genre de récit policier inclut toujours une triste réalité sociale. En l’occurrence, il s’agissait initialement du crime organisé. Dans ce troisième tome, Tyler est confronté aux paniers de crabes qui pullulent dans l’immobilier où les façades rutilantes masquent de bien vilaines fissures, des individus de bien mauvaise condition et réputation.
Tyler est l’archétype de ces héros en lutte contre des mafias diverses et variées, contre les magouilles politiques à tous niveaux, contre ces élus pourris, ces systèmes pervertis. Ils sont seuls à lutter pour survivre. Ils ont la gâchette facile, le coup de poing prompt et ils n’hésitent pas à tuer. Ils sont animés d’une morale personnelle qui les autorise à tuer, tout simplement avant d’être tués. En revanche, ils ont des scrupules à assassiner des innocents, des individus fourvoyés dans des chemins qui ne sont pas les leurs.
Fabien Nury, pour le troisième volet de sa série, retient Miami pour cadre, un Miami jusqu’alors réservé aux seuls riches. Son investisseur immobilier veut ouvrir l’accès de la ville à : “Des pauvres. Des ouvriers. Des ploucs de Milwaukee ou de Detroit. Toute l’année, ils ne rêvent que d’une chose : leurs deux semaines de congés, sous le soleil de Floride…”. Il découpe son histoire en quatre actes encadrés par un épilogue bien dans l’esprit de la série et d’un superbe prologue. Celui-ci, en quatre planches, présente le meurtre d’une jeune femme et ce qui lui sert de tombeau. Le héros est entouré d’une galerie de personnages fidèles aux canons de genre, avec des gueules de méchant fort réussies, des femmes aux lèvres et aux formes rebondies. Les quelques tenants de la moralité restent falots.
Brüno assure un dessin tout en ligne claire et en à-plats d’une précision remarquable dans une mise en page très encadrée, avec un découpage au rasoir. Sous une apparente simplicité, le dessin se révèle extrêmement étudié pour inciter l’œil à voir d’abord ce que l’illustrateur a décidé. La mise en couleurs de Laurence Croix reste dans l’esprit avec des à-plats aux tonalités relayant l’atmosphère de violence du récit.
Avec Miami, Fabien Nury prouve qu’il est un grand scénariste (mais cela se savait depuis longtemps !), capable de raconter des histoires puissantes, dans des univers bien différents, et générant une grande tension.
serge perraud
Fabien Nury (scénario), Brüno (dessin) & Laurence Croix (couleur), Tyler Cross - t.3 : Miami, Dargaud, mars 2018, 96 p. – 16,95 €.
serge, thanks for the article post.Really thank you! Great.