Michèle Pedinielli, Boccanera

Bien­ve­nue à une nou­velle enquêtrice !

Ghju­lia Boc­ca­nera, dont le pré­nom qui se pro­nonce Diou­lia avec pour dimi­nu­tif Diou, fait une entrée sai­sis­sante dans le monde des enquê­teurs. Elle est céli­ba­taire, insom­niaque, approche de la cin­quan­taine, porte des Docs, fait une addic­tion à la caféine, appré­cie la lec­ture des polars mais n’aime pas qu’on vienne lui dire ce qu’il faut, ce qu’elle doit faire.
D’origine corse, elle est niçoise de cœur. D’ailleurs, la ville par­tage la vedette avec elle dans ce pre­mier roman de Michèle Pedinielli.

Elisa­beth Tordo, gérante d’une agence immo­bi­lière, a rendez-vous avec un client. Elle le découvre sur le canapé du salon. Il est nu et a été étran­glé.
Dan, le colo­ca­taire de Diou­lia, se réveille avec dif­fi­culté après une nuit de bringue. Il lui dit qu’il a donné son numéro à quelqu’un qui a besoin de son aide.
Dorian Lasalle se mani­feste bien que ce soit dimanche. Jeune plom­bier dans l’entreprise de son père, il veut qu’elle découvre l’assassin de son ami, Mauro Gian­nini, retrouvé étran­glé dans sa villa cam­brio­lée. La police a vite conclu à un jeu éro­tique, qui a mal tourné, entre homo­sexuels. Il lui donne toutes ses éco­no­mies pour qu’elle retrouve le meur­trier. Elle obtient des pre­mières infor­ma­tions auprès de Jo, le com­man­dant de police Joseph San­tucci qui a par­tagé sa vie pen­dant de nom­breuses années. L’autopsie a révélé des traces de GHB, la drogue du viol, dans le sang.
Comme Diou connaît Eli­sa­beth depuis l’enfance, elle obtient les clés de la villa de Mauro. Elle trouve une petite figu­rine en plas­tique qui dis­si­mule une clé USB. Lorsqu’elle l’ouvre, elle découvre des rele­vés, des tableaux aux­quels elle ne com­prend rien.
Et Dorian est retrouvé étran­glé, tor­turé. Diou, en ren­trant chez elle, est atta­quée par un indi­vidu qui veut la gar­rot­ter. Elle est sau­vée par son voi­sin qui tue d’un coup de mar­teau l’assaillant. Puis, alors qu’elle marche avec Jo, celui-ci reçoit une balle dans le dos tirée depuis une moto. Ces évé­ne­ments dra­ma­tiques qui se suc­cèdent lui font admettre que son enquête dérange vrai­ment. Mais qui ? Et pourquoi ?

Pour sa pre­mière incur­sion dans l’univers du roman poli­cier, Michèle Pedi­nielli place son intrigue à Nice, dans le milieu homo­sexuel et dans le cadre des chan­tiers qui modi­fient la ville. Sur les pas de son inef­fable enquê­trice, elle fait décou­vrir le Nice pro­fond, loin des lieux tou­ris­tiques, regret­tant cette évo­lu­tion qui fait, peu à peu, dis­pa­raître ce qui fai­sait l’âme de la cité, qui défi­gure des points de vue remar­quables. Il en est ainsi des tra­vaux pha­rao­niques du futur tram­way sou­ter­rain. Elle décrit, avec verve, les dys­fonc­tion­ne­ments urbains, l’attrait des vieilles rues, ce qui reste authen­tique.
Mais, si elle égra­tigne à qui mieux-mieux, elle n’est pas tendre avec son enquê­trice, la jugeant avec impar­tia­lité, ce qui lui per­met nombre de remarques cocasses, facé­tieuses et si pleines de bon sens.

La roman­cière pra­tique l’ironie, le trait d’esprit sans modé­ra­tion. Elle ins­tille, tout au long de son récit, beau­coup d’humour sous forme de réflexions, d’images, de déri­sion, avec une vision juste des situa­tions, des atti­tudes, des sen­ti­ments et des émo­tions. Mais elle sait être grave quand le thème abordé peut être dou­lou­reux. Elle évoque ainsi les dif­fi­cul­tés ren­con­trées par une femme qui ne veut pas être mère, consi­dé­rant que ce n’est pas la fonc­tion obli­ga­toire d’une dame.
Gra­vite, autour de Diou, une gale­rie de per­son­nages aty­piques, atta­chants, trou­blants dont nombre vivent en marge de par leur incli­nai­son amoureuse.

Michèle Pedi­nielli ima­gine une intrigue sub­tile, adroite, menée avec maes­tria, ne ména­geant pas son héroïne qui se retrouve dans des situa­tions très cri­tiques.
L’éditeur annonce une bonne nou­velle, à savoir que l’auteure tra­vaille sur une nou­velle enquête qui per­met­tra de retrou­ver cette détec­tive si attachante.

serge per­raud

Michèle Pedi­nielli, Boc­ca­nera, l’aube, coll. Aube noire, février 2018, 224 p. – 17,90 €.

Leave a Comment

Filed under Pôle noir / Thriller

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>