Jean-Paul Bled, Sophie de Habsbourg. L’impératrice de l’ombre

Sophie de Habs­bourg au-delà de la légende noire

Grâce à la série des Sissi et à Romy Schnei­der, nous connais­sons tous la figure de l’horrible belle-mère mar­ty­ri­sant l’innocente jeune impé­ra­trice éper­due de liberté. Or, le pro­blème avec les films his­to­riques c’est qu’ils sont construits sur une schéma mani­chéen – héros vs anti­hé­ros – et qu’ils ins­crivent dans les mémoires des images fausses et hélas durables. On lira donc avec un très grand inté­rêt l’étude que Jean-Paul Bled consacre à l’impératrice Sophie, la mère de François-Joseph, écrite dans la veine des grandes bio­gra­phies de Per­rin. Certes, elle fut une femme de l’ombre mais qui, dans les cou­lisses, a joué un rôle déter­mi­nant.
Toute sa vie, elle reste atta­chée à une vision très tra­di­tion­nelle de la monar­chie autri­chienne, abso­lu­tiste, anti­li­bé­rale et cen­tra­li­sée. Si de telles valeurs l’empêchèrent d’accepter avec grâce les évo­lu­tions de son temps, elles consti­tuèrent néan­moins un solide rem­part contre les menées sub­ver­sives héri­tées de la révo­lu­tion fran­çaise qui mirent, rappelons-le, l’Europe à feu et à sang. Une héri­tière en somme du congrès de Vienne et de Metternich.

Ensuite, son obses­sion fut de bien pré­pa­rer son fils, l’archiduc François-Joseph, pour son futur rôle d’empereur tant il appa­rais­sait évident que son oncle Fer­di­nand n’aurait pas d’héritier et que son père François-Charles ne pos­sé­dait pas la per­son­na­lité adé­quate pour ceindre la cou­ronne. Sophie fut donc au centre des manœuvres qui, en 1848, pro­pul­sèrent le jeune homme sur le trône en pleine révo­lu­tion.
Son influence se fit donc sen­tir moins dans l’exercice du pou­voir que dans cette édu­ca­tion sur laquelle elle veilla de près, fai­sant du nou­vel empe­reur le cœur froid et pas tou­jours avisé de la machine bureau­cra­tique de l’Empire.

Enfin, elle assuma aussi le rôle de chef de famille, manœu­vrant une nou­velle fois pour le mariage de son fils avec une prin­cesse Wit­tels­bach, Sissi, que François-Joseph pré­féra à Hélène. La jeune mariée était certes bien jeune mais, comme le montre Jean-Paul Bled, elle refusa d’emblée de jouer le rôle d’impératrice, d’assumer les obli­ga­tions de son rang et de sa charge, aban­don­nant époux et enfants pour la vie d’errance d’une dépres­sive.
Sophie en fin de compte ne joua pas le rôle néfaste que le cinéma lui attri­bua. Pas de mégère tyran­nique et pas de Lady Diana viennoise.

C’est certes moins roman­tique mais plus conforme à la réalité.

fre­de­ric le moal

Jean-Paul Bled, Sophie de Habs­bourg. L’impératrice de l’ombre, Per­rin, décembre 2017, 303 p. - 23,00 €.

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