Pyke, un Bow Street Runner, fait la connaissance d’Emily, la fille de Lord Edmonton, en se rendant chez lui, à la demande de ce dernier. Celui-ci suit les affaires de la banque de son frère. Deux transferts de fonds entre leurs succursales et Londres ont été volés dernièrement. Edmonton soupçonne un individu, du nom de Swift, embauché récemment, d’être le coupable. Il veut que Pyke le confonde. Celui-ci accepte contre une rémunération âprement discutée. Revenu à Londres, il se met en chasse et suit, pendant plusieurs jours, l’homme qui mène une vie rangée.
C’est un après-midi que Swift change son itinéraire et se rend à St Giles, un quartier où la misère est la plus noire, là où loge la population irlandaise immigrée. Brusquement l’homme disparaît dans un hôtel meublé minable. Pyke pense le perdre et s’engage. Il entend du bruit dans les étages. Il cherche à ouvrir les portes. L’une d’elles pivote libérant une puanteur atroce. Dans cette chambre obscure, il découvre les cadavres d’une femme et d’un homme ligotés, bâillonnés et égorgés. Le corps d’un bébé, la tête éclatée, gît dans un seau au milieu de la pièce.
Pyke veut comprendre les mobiles de meurtres aussi sauvages. Il commence une chasse à l’homme sans percevoir qu’un piège se referme sur lui et va l’envoyer à Newgate pour être pendu…
Andrew Pepper situe le cadre de son récit en 1829, à une période charnière en Grande-Bretagne avec les projets de deux grands bouleversements. Le premier concerne l’émancipation des catholiques (Oui, vous avez bien lu !) et l’autre la réorganisation de la police londonienne. Les catholiques, ou papistes, n’étaient pas reconnus comme des citoyens à part entière, nombre de droits, nombre d’emplois leurs étaient interdits. Un Irlandais catholique avait été élu au Parlement. Mais il n’a pu siéger car l’Acte d’union de 1800, qui donne naissance au Royaume-Uni en intégrant l’Irlande, lui imposait de prêter un serment antipapiste.
Le second était relatif à la police professionnelle de Londres, alors assurée par une structure créée en 1742 et qui avait son siège dans Bow Street. Ces policiers étaient surnommés par le public Bow Street Runner. Ceux-ci étaient plongés au sein de la criminalité. Cependant, la frontière était mince, voire perméable entre les occupations de ceux qu’ils traquaient et leur propre activité.
Dans ce cadre historique, autour de Pyke, l’auteur anime un groupe de personnages varié, tant authentiques que de fiction. On trouve le ministre de l’Intérieur de l’époque, Robert Peel, qui veut une seule structure policière contrôlée par l’État. Ces agents seront appelés des Bobbies en rapport avec son prénom. Sir Richard Fox, le premier magistrat de Bow Street, et bien d’autres inspirés d’authentiques personnages, donne une spécificité historique à l’intrigue. Les protagonistes de fiction abondent, à commencer par Lizzie Morgan, la “maîtresse” de Pyke, Emily, la fille de Lord Edmonton, une jeune femme émancipée qui dirige un groupe de visiteuses de prisons pour femmes et milite pour le droit des femmes.
L’auteur se livre à une reconstitution précise, pointilleuse du Londres de cette époque, tant dans la structure de la ville, de ses monuments et habitations, que dans la scène politique et dans les enjeux des réformes.
Andrew Pepper tisse, avec ces intervenants, une intrigue 100 % machiavélique comme l’indique le petit macaron sur la couverture. C’est vraiment dans les dernières pages qu’on entrevoit les tenants, les motivations et le mécanisme du complot. Un superbe roman au récit mené avec un art narratif remarquable !
serge perraud
Andrew Pepper, Les derniers jours de Newgate (The Last Days of Newgate), traduit de l’anglais par Daniel Lemoine, Éditions 10/18, coll. “Grands Détectives” n° 5301, janvier 2018, 456 p. – 8,80 €.